Elise Bouskila : " Prendre conscience du potentiel inexploité des hypersensibles "

Interview

Elise Bouskila : " Prendre conscience du potentiel inexploité des hypersensibles "

Coach en énergie positive

9 juin 2022

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Elise BOUSKILA Credit Edouard Doret (light) Credit Edouard Doret
     
     

Elise Bouskila est coach en énergie positive : elle accompagne les femmes hypersensibles pour leur permettre de prendre confiance en elles et de tirer le meilleur de leur haute sensibilité. Pour le média OCM, elle décrypte les difficultés auxquelles se heurtent les hypersensibles en entreprise et les pistes pour mieux vivre son hypersensibilité au travail.

« Il existe autant d'hypersensibilités que d'hypersensibles »

Comment définir l’hypersensibilité ?

Pour faire simple, je dirais que l'hypersensibilité est une haute sensibilité à la fois cognitive, émotionnelle et sensorielle. Ce n'est pas une maladie, ni un trouble ou un dysfonctionnement, c'est une façon d'être comme les autres. D'ailleurs, on estime aujourd'hui que 30 % de la population est concernée, avec autant d'hommes que de femmes ! Précisons également qu'un tiers des hypersensibles sont des personnalités extraverties : on peut donc évacuer le cliché selon lequel il s’agit d’un « problème de femmes timides et fragiles, qui ne font que pleurer ».

Comment l’hypersensibilité peut-elle se manifester au quotidien ?

Être hypersensible, c'est avant tout posséder un haut potentiel sensible, une faculté qui permet d'éprouver des émotions intenses, d'avoir des sensations décuplées et de faire face à un foisonnement de pensées constant.

L’hypersensibilité s’exprime de multiples façons, qu’on présente parfois comme des travers. Mais j'aime toujours rappeler à mes coachées que chaque trait de caractère a une portée positive, qui nous confère un énorme avantage (si si, c'est promis !).

Quelques exemples : si vous pleurez « facilement », ne culpabilisez plus, c'est grâce à cette intensité émotionnelle que vous ressentez des joies tout aussi intenses et que vous êtes capable de vous émerveiller de tellement de choses. Ne vous en voulez pas de vous poser mille questions et de ne pas toujours trouver le bouton « OFF » de votre cerveau, c'est grâce à cette intensité cognitive que vous possédez une personnalité si créative, réactive et intuitive. Ne pestez plus contre votre tendance à être surstimulé(e) par votre environnement, c'est grâce à cette intensité sensorielle que vous pouvez transformer votre énergie en un claquement de doigts, par exemple en écoutant votre chanson feel-good préférée.

Y a-t-il plusieurs types d’hypersensibles ?

Oui, il existe autant d'hypersensibilités que d'hypersensibles, puisque ces trois vecteurs de sensibilité (cognitif, émotionnel, sensoriel) ont des « dosages » propres à chacun. Cela se perçoit facilement au niveau des cinq sens : certaines personnes vont être plus sensibles aux bruits et à la lumière, d'autres aux odeurs et au toucher, etc. Ainsi, chaque individu possède un haut potentiel sensible unique, mais comprendre le fonctionnement général de l’hypersensibilité permet de se l'approprier en toute sérénité.

Comment savoir si l’on est hypersensible ?

Il existe plusieurs chemins, et je suis convaincue qu'il n'y en a pas un meilleur qu'un autre. Certaines personnes découvrent leur hypersensibilité seules, à travers des livres, des articles ou des vidéos, qui les aident à mettre des mots sur ce qu’elles ressentent. D'autres en font la découverte après une suggestion de leur thérapeute, voire de quelqu’un de leur entourage également concerné par le sujet. Et parfois, l’information arrive dans un contexte plus inattendu : plusieurs de mes coachées l'ont ainsi découvert grâce à leurs enfants ! En s’interrogeant sur le fonctionnement et le bien-être de leurs enfants, elles ont indirectement découvert leur propre hypersensibilité (néanmoins, aucun facteur d'hérédité n'a été mis en lumière pour le moment).

« Il est essentiel d'éduquer notre société à la haute sensibilité »

À quelles difficultés peuvent se heurter les hypersensibles dans le monde du travail ?

Difficile d'être exhaustive, étant donné la diversité des personnalités, des métiers et de leurs spécificités, mais on retrouve tout de même quelques grandes tendances.

Je dirais que la première difficulté est (malheureusement) liée au regard porté par la société sur l’hypersensibilité. Tant que le monde du travail percevra la sensibilité et son expression comme une faiblesse à masquer, les hypersensibles risqueront de faire face à des difficultés infondées. Il est donc essentiel d'éduquer notre société à la haute sensibilité, pour qu'elle prenne conscience du potentiel inexploité des hypersensibles (et ce, dans tous les domaines de vie d'ailleurs).

Vient ensuite l'environnement de travail, avec notamment l'avènement des open spaces bruyants, sans bureau attitré, chargés d'éclairage artificiel… Autant d’éléments qui génèrent une surstimulation des sens et, par conséquent, une fatigue importante chez les hypersensibles. Un phénomène qui se prolonge à l’extérieur du bureau, notamment pour ceux travaillant au sein d’énormes pôles d’activité, comme à La Défense. La surstimulation est, de plus, quasi constante de nos jours (transports, téléphones, mails, réseaux sociaux…).

Enfin, en zoomant sur l'activité professionnelle en elle-même, la difficulté la plus courante vient de la méconnaissance, ou de la sous-exploitation, du potentiel des hypersensibles. En général, ces personnalités sont motivées par la quête de sens dans leur métier, la reconnaissance du travail bien fait, le sentiment de justice, la stimulation par la créativité… Par conséquent, elles sont rapidement mal à l’aise dans des « bullshit jobs » et ne trouvent pas leur place lorsqu’elles n'ont aucune marge de manœuvre pour améliorer les processus. De même, elles se sentent en conflit face à l’injustice ou un management qui leur fait comprendre qu'il faut « laisser leur sensibilité à la porte ». Et à la longue, le risque de burn-out (ou de brown-out) n’est évidemment pas à négliger.

Comment surmonter ces obstacles lorsqu’on est hypersensible ?

La première des choses à faire est de prendre conscience de son hypersensibilité. C’est déjà un premier pas indispensable, mais il ne suffit pas.

Il faut ensuite comprendre son propre fonctionnement. Quel est mon mécanisme de pensée ? Quels sont les sens les plus sollicités chez moi ? Comment s’expriment mes émotions ? Quels sont les stimuli susceptibles de me redonner de l’énergie ? En bref, découvrir son mode d’emploi ! Ce travail peut être réalisé seul(e) au fil du temps, en profitant des ressources disponibles sur l’hypersensibilité, ou via un accompagnement par un coach ou un thérapeute, pour aller plus vite et agir efficacement sur les problématiques rencontrées.

Cette étape ne consiste pas seulement à accumuler des connaissances, mais aussi à mettre en place des fondations solides pour agir concrètement sur l’amélioration de sa vie. L’objectif : pouvoir apaiser plus simplement ses émotions, s’équiper pour limiter les stimulations sensorielles et canaliser son mental. En bref, vivre positivement son hypersensibilité !

En ce qui concerne les difficultés liées à l'activité professionnelle en elle-même, la meilleure solution consiste à prendre confiance en soi, pour être à même de communiquer ses besoins et de poser ses limites. C’est bien sûr plus facile à dire qu’à faire ! Mais c’est vraiment la clé pour se sentir mieux au travail au quotidien : prendre conscience de ses qualités, de ce qui est important pour soi et de ce qu’on peut apporter à l’entreprise, et faire les adaptations nécessaires pour s’épanouir au travail.

Pour récapituler, il s’agit donc de : prendre conscience, comprendre et être capable de (faire) respecter son mode d’emploi.

Encore une fois, il n’y a aucune honte à être hypersensible. Vous pouvez donc en parler à vos collègues et à votre management : expliquez-leur votre fonctionnement et indiquez ce que vous attendez de vos relations professionnelles. S’ils sont bienveillants, ils comprendront et sauront s’adapter.

Si vous vous sentez mal à l’aise, ne vous obligez pas à mentionner explicitement : « Je suis hypersensible ». Focalisez simplement votre discours sur vos besoins et vos attentes.

Et si rien de tout cela ne fonctionne, êtes-vous sûr(e) que ce travail est fait pour vous ?

« Le métier idéal pour un(e) hypersensible, c’est celui dans lequel la personne est épanouie »

À l’inverse, quels sont leurs points forts en entreprise ?

Tout d’abord, je dirais leur empathie et leur capacité d’écoute. Deux soft skills aujourd’hui particulièrement recherchées par les recruteurs, parce qu’il s’agit d’atouts indéniables dans les relations professionnelles. Cela en fait de très bons managers, des leaders inspirants ou des collaborateurs capables d’insuffler une dynamique positive à toute une équipe.

Les hypersensibles se distinguent aussi généralement par leur créativité et leur intuition. Des caractéristiques qui leur offrent un avantage, notamment dans la détection de problèmes, l’amélioration de processus ou la conception de solutions.

Les employeurs peuvent également apprécier leur grande soif d’apprendre, leur envie permanente de bien faire, ainsi que leur souci du détail. Mais attention : ces points forts virent parfois au perfectionnisme, ce qui peut entraîner un fort sentiment d’insatisfaction.

Y a-t-il des métiers ou des secteurs plus favorables que d’autres aux personnes hypersensibles ?

Vu leurs qualités, on peut penser que les hypersensibles seraient plus à l’aise dans des métiers créatifs, artistiques ou tournés vers l’autre, comme dans le secteur de l’aide à la personne. Ce sont effectivement des pistes à creuser, mais qui possèdent également leur lot de difficultés et ne sont en aucun cas des voies convenant à tous. Le plus important pour les hypersensibles est de trouver un travail correspondant à leurs valeurs et respectant leur haute sensibilité, tout en étant en adéquation avec leurs envies.

En fin de compte, le métier idéal pour un(e) hypersensible, c’est celui dans lequel la personne est épanouie, en étant elle-même.