Grégory Pardieu : "Le DRH doit être un rôle modèle"

Interview

Grégory Pardieu : "Le DRH doit être un rôle modèle"

Directeur des Ressources Humaines de la société Akuo Energy

2 juin 2022

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PARDIEU Gregory
     
     

Grégory Pardieu a récemment rejoint la société Akuo Energy en qualité de Directeur des Ressources Humaines. Créée en 2007 et co-dirigée par ses deux fondateurs, Eric Scotto et Patrice Lucas, cette entreprise, producteur indépendant d’énergie renouvelable et distribuée compte déjà près 500 collaborateurs implantés à travers 20 pays.

La longue expérience de Grégory Pardieu - de la gestion des ressources humaines en milieu industriel français, en passant par le pilotage RH de divisions à l’international à la direction des talents et de la conduite de transformation - a nourri sa volonté de générer une culture managériale performante.

Il nous fait part des changements de paradigmes sociaux et de pratiques mises en œuvre dans un environnement où raison d’être et esprit entrepreneurial s’allient pour le meilleur de l’entreprise.

“Le DRH doit être un rôle modèle, c’est-à-dire être l’exemple de ce que l’on souhaite voir, promouvoir dans l'entreprise, en étant capable de faire preuve de hauteur de vue tout en restant au contact du terrain et des réalités, en sachant être exigeant et bienveillant, en démontrant son leadership.”

Fort de votre expérience dans le secteur de l’industrie, quel modèle et quelle culture d’entreprise avez-vous découverts en rejoignant Akuo Energy ?

Akuo Energy que j’ai rejoint en décembre dernier, est l’un des principaux producteurs français indépendant d’énergie renouvelable et distribué : ses secteurs d’activité regroupent le solaire, l’éolien et le stockage. Nous couvrons ainsi l’ensemble de la chaîne de valeur :  le développement, le financement, la construction et l’exploitation de l’énergie électrique générée.

Notre ambition est notre raison d’être : Nous travaillons sans relâche à l'émergence d'un modèle énergétique décentralisé et durable. Plus qu'un modèle énergétique, nous nous engageons pour un meilleur modèle sociétal où l'énergie et l'agriculture partagent l'espace, où les gens peuvent investir dans la production locale d'énergie verte. Nous avons la chance d’avoir des équipes plurielles, jeunes - la moyenne d’âge est de 33 ans - avec une bonne représentation des genres, des origines et des profils.  Nos collaborateurs sont passionnés, agissent avec engagement pour l’entreprise où leurs convictions, valeurs personnelles sont parfaitement alignées avec la raison d’être.

Nos valeurs fortes d’inclusion, de responsabilité sociétale et l’esprit entrepreneurial, autre marqueur fort du groupe, sont les raisons pour lesquelles les candidats souhaitent vivre l’aventure Akuo.

Quels sont vos enjeux en matière de culture d’entreprise ?

AKUO est une entreprise jeune, en croissance, sur un marché très porteur. L’ensemble de ces éléments font que la culture d’entreprise est en évolution. Notre principal enjeu est de faire en sorte que nos valeurs humaines et entrepreneuriales soient vécues par toutes & tous, d’autant plus dans un contexte de recrutement massif.

Pour ce faire, nous avons mis en place un programme d’onboarding performant et inclusif. Concrètement, à votre arrivée, vous êtes formés aux marqueurs de l’entreprise, aux codes, aux rituels, à la façon dont la culture se traduit au quotidien. L’onboarding est un élément fort chez Akuo, tout comme l’investissement en formation des nouveaux collaborateurs.

En parallèle, nous travaillons sur la montée en compétences des managers, dans leur pratique de leadership, dans leur manière de transmettre et d’incarner les valeurs et la culture de l’entreprise via le déploiement d’un programme permettant un apprentissage rapide et une montée en compétences durable en matière de pratiques managériales.

Nous recherchons d’ailleurs à recruter des collaborateurs qui soient alignés ou porteurs de nos valeurs, et qui sauront être des rôles modèles, des ambassadeurs tant en interne que vis-à-vis de nos clients.

Compte tenu de votre expérience de la formation RH, quelle évolution avez-vous observée ?

La façon de former a énormément évolué ces dernières années. Le rapport au temps s’accélère. Ma conviction, c’est l’importance du learning développement : se concentrer sur ce qu’on attend et encourager le passage à l’action. Concrètement, cela consiste à expliquer sur un temps court, une ou deux idées fortes puis accompagner leur mise en application.

Ma conviction est qu’il ne suffit pas de lire un livre sur le marathon, pour ensuite enchainer 42.195km ! Les apports théoriques sont utiles et essentiels. Pour autant, il convient ensuite d’investir l’essentiel des efforts, du temps, sur le passage à l’action, pour ancrer durablement sa motivation et ses compétences.

Il est donc fondamental de créer des bulles de pédagogie permettant un niveau de concentration maximal, sur un format court puis d’enclencher la mise en action.

La pratique du feedback est un bon exemple ! Il s’agit d’un concept simple à appréhender : le feedback, positif ou de progrès, s'explique en une heure. Au-delà du concept, concrètement, en tant que fonction ressource humaine, il nous faut accompagner les managers et collaborateurs à transformer l’essai, passer à l’action et cela de manière structurée, progressive. Tout d’abord en encourageant chaque manager à donner un premier feedback positif à quelqu’un qu’il connaît bien, puis un feedback de progrès à quelqu’un d’autre, puis un feedback positif à son N-1 et ainsi de suite…

Cela nous permet de garantir qu’une formation devienne compétence.

En matière de recrutement, de gestion des talents et de leadership, quel est votre regard sur les enjeux d’aujourd’hui et leurs conditions de succès ?

Au préalable, il convient d’intégrer que la crise du Covid a notamment engendré ou accéléré un certain nombre d’éléments qui nous poussent, nous engagent à repenser l’entreprise.

Je pense naturellement à l’hybridation du travail, l’évolution du marché de l’emploi, le phénomène de « la Grande Démission » (Great resignation) ; la quête accrue de sens des collaborateurs.

En matière de recrutement, leadership et de gestion des talents, selon moi, 3 points sont essentiels :

Travailler son Attractivité … et sa rapidité lors du recrutement

Nous sommes dans un marché de Candidats, c’est-à-dire qu’il y a plus d’offres d’emploi que de candidats … alors que les talents en entreprise sont eux-mêmes plus volatiles qu’il y a quelques temps.

Auparavant, l’entreprise sélectionnait les candidats, désormais ce sont les candidats qui sélectionnent les entreprises ; il faut l’entendre et l’intégrer.

Dans ce contexte, il convient de travailler ou garantir 

  • Sa marque Employeur tant via sa visibilité que son attractivité en travaillant notamment sur l’offre pour les futurs talents
  • La rapidité, l’efficacité du process de recrutement … plus les candidats attendent, plus ils s’éloignent de vous.

Le Leadership … la pratique managériale

Le leadership consiste selon moi en la capacité à créer de l’engagement, à donner du sens, un cap, afin de permettre aux équipes de s’accomplir tout en exerçant leur mission. Les fondamentaux restent les mêmes : l'action d'un leader doit être guidée par la Stratégie, l’Exécution ... et le Coeur !

Plus que jamais, il est essentiel d'apporter du sens à l'action, de reconnaître les efforts, de célébrer les succès, d'apporter de l'attention à chacun(e), d’avoir des managers réellement au service de leur équipe (logique de Servant Leader) ; c’est-à-dire consacrer le temps nécessaire à l’écoute, la compréhension, la pédagogie et leur développement.

A votre avis, la connaissance de l’humain et de ses fonctionnements est-elle devenue une clé de performance ?

La psychologie est fondamentale en ressources humaines. Dans ce prolongement, les soft skills sont les clés du succès du management et du leadership. Il est essentiel de monter en compétences les managers sur les sujets de santé mentale, de gestion des risques psycho-sociaux, de bien-être. Il est également important de sensibiliser à l’analyse et à la compréhension des personnalités afin de permettre aux équipes de mieux vivre ensemble, de gagner en coopération et en performance.

Quelle est votre vision de la gestion des carrières ?

Elle doit reposer sur plusieurs principes :

L’approche servicielle de la gestion de talents

Elle est impérative. La gestion de carrière doit se faire par une approche “gagnant-gagnant” entre le collaborateuret l’entreprise. En cherchant à répondre aux attentes des collaborateurs, nous servons les intérêts de l’entreprise, qui y gagne, qui bénéficie notamment d’un niveau d’engagement décuplé.

Une grande transparence dans les processus

Si la transparence sur les processus et les postes n’est pas établie, cela crée de la frustration ;  or la motivation et la rétention passent par la gestion de la transparence auprès des talents autrement dit par le “fair-treatment”. Les talents ont besoin de comprendre comment ils sont gérés, et être convaincus qu’ils le sont de façon équitable, éthique et transparente.

L’investissement Formation

Le monde, l’entreprise évoluent rapidement. C’est la raison pour laquelle recruter quelqu’un pour sa simple compétence technique n’est pas suffisant … voire un très mauvais calcul. Il est désormais nécessaire que nos talents soient capables d’apprendre rapidement, de faire preuve d’agilité et d’une envie d’apprentissage en continu.

Donner de la visibilité sur les perspectives de carrière

Il est important de partager avec chacun la façon dont il est perçu par l’organisation, prendre le temps de donner du feedback sur le potentiel, les points forts perçus et les axes de progrès, mais également échanger sur les possibles prochaines étapes de carrière. Cet exercice n’est que trop peu réalisé et partagé à mon sens. Trop souvent, des talents démissionnent pour tenir des postes qu’ils auraient pu tenir en interne. Il nous faut lever cette trop grande frilosité sur les « next steps », il faut entendre que les talents ont des aspirations, que l’entreprise a des besoins, et donc co-construire les parcours de carrière.

Comment voyez-vous l’évolution de votre métier ?

Rien ne change fondamentalement, la DRH a toujours géré les transitions, les phases de transformation. Je ne fais pas partie de ceux qui pensent que la crise a contribué à renforcer le leadership de notre fonction, bien au contraire, elle a même pu la cantonner uniquement à la gestion de la crise.

Notre rôle a toujours été d’accompagner les changements. Nous devons toujours nous efforcer d’avoir deux coups d’avance, de comprendre notre environnement, tant les enjeux du business que les attentes des collaborateurs.

La seule chose qui change selon moi sont les outils. A titre d’exemple, la digitalisation nous permet de consacrer beaucoup plus d’énergie sur les missions à fortes valeurs ajoutées.

Notre enjeu repose sur notre capacité à accompagner le business, à comprendre les femmes et hommes de l’entreprise pour de vrai, non pas via un tableau excel ou un powerpoint. Le DRH doit être un rôle modèle, c’est-à-dire être l’exemple de ce que l’on souhaite voir, promouvoir dans l'entreprise, en étant capable de faire preuve de hauteur de vue tout en restant au contact du terrain et des réalités, en sachant être exigeant et bienveillant, en démontrant son leadership.