Sonia Valente : Multipotentiels, des profils atypiques en quête de reconnaissance

Interview

Cette interview fait partie du dossier :
Profils atypiques, ingérables, Mad skills... Les nouveaux visages de l'entreprise

Sonia Valente : Multipotentiels, des profils atypiques en quête de reconnaissance

Coach spécialisée en reconversion professionnelle

17 mars 2021

Devenez, à votre échelle, acteur du changement ?

Vos idées nous intéressent, votre opinion nous importe et votre point de vue est essentiel.

Proposez votre contenu

Sonia Valente
     
     
Ce ne sont pas des surdoués mais de grands curieux qui s’intéressent à des sujets variés, s’ennuient rapidement dans leur travail et ont du mal à choisir leur voie. Méconnus, mal perçus, les multipotentiels ont souvent une faible estime d’eux-mêmes mais aussi de nombreux atouts à faire valoir auprès des entreprises.

Ce ne sont pas des surdoués mais de grands curieux qui s’intéressent à des sujets variés, s’ennuient rapidement dans leur travail et ont du mal à choisir leur voie. Méconnus, mal perçus, les multipotentiels ont souvent une faible estime d’eux-mêmes mais aussi de nombreux atouts à faire valoir auprès des entreprises. Sonia Valente, coach spécialisée en reconversion professionnelle, vient de leur consacrer un livre paru aux éditions Eyrolles : "Comment trouver sa place quand on ne rentre dans aucune case". Interview.

Qu’est-ce qu’un multipotentiel ?

Dans le monde du travail, ce terme désigne des personnes d’une grande curiosité qui développent des intérêts divers et des compétences variées. Ce sont des natures touche-à-tout aux CV non linéaires. Rien à voir avec les surdoués auxquels ce terme fait parfois référence.

Sont-ils bien perçus ?

Même si les mentalités évoluent, les entreprises ou les cabinets de recrutement les considèrent volontiers comme des "bons à tout, bons à rien". Depuis la seconde guerre mondiale, le modèle de réussite professionnelle s’est en effet construit sur la spécialisation. Choisir un métier et suivre des études supérieures spécifiques est le combo gagnant dans la quête d’un emploi qualifié assorti d’un bon salaire. Le spécialiste, c’est l’expert, le sérieux, le professionnel. Il inspire confiance et rassure son interlocuteur.

Pas facile, dans ce contexte, d’être multipotentiel…

Beaucoup le sont sans le savoir et tentent à tout prix de rentrer dans le moule. Pour trouver leur place, ils vont étouffer leur nature, porter le masque du spécialiste et devenir, in fine, des multipotentiels malheureux.

Qu’est-ce qu’un multipotentiel heureux ?

C’est quelqu’un qui s’assume, comme tel, et qui croit en lui. Le multipotentiel doit faire le deuil de plusieurs croyances négatives qui lui mettent des battons dans les roues : il peut vite se qualifier d’indécis, d’instable et de moyen en tout parce qu’il fait l’erreur d’associer compétence et spécialisation.

Le multipotentiel se voit donc d’un œil très critique…

Il considère son envie constante de changer de poste ou de métier comme un échec, celui de s’être trompé et de ne pas avoir trouver sa voie. Frustré dès qu’il fait un choix, il est par ailleurs très souvent touché par le syndrome de l’imposteur : il doute de ses capacités, attribue le succès de son travail à des éléments extérieurs et pense que son incompétence va être démasquée.

Quels sont ses atouts ?

Le multipotentiel est doté d’une curiosité qui le pousse sans cesse à découvrir et à apprendre. Il a un mode de pensée différent, en arborescence. Chaque idée crée une autre idée et ainsi de suite. Ce qui lui permet de faire des ponts, des associations, des liens entre différents sujets. Il a facilement une vision panoramique d’une situation.

Quel intérêt pour l’entreprise ?

Cette pensée en arborescence nourrit sa créativité et fait de lui une personne innovante. Or nos entreprises ont plus que jamais besoin de collaborateurs capables de penser différemment. Le multipotentiel possède également une grande capacité d’adaptation professionnelle développée par ses différents centres d’intérêt et la variété de ses expériences. Un savoir-être également très prisé par les entreprises. Qu’elle que soit leur taille ou leur secteur d’activité, elles doivent aujourd’hui s’adapter et innover pour faire face aux évolutions économiques, climatiques et sanitaires. Or le multipotentiel, qui apprécie la nouveauté et l’apprentissage, a nettement moins peur du changement que les profils spécialistes. Ainsi, lorsque l’entreprise doit changer de cap, ces profils s’avèrent essentiels.

La force du multipotentiel, ce sont donc, avant tout, ses soft skills…

Oui et on le sait, les recruteurs, les managers, les dirigeants et les responsables RH prêtent dorénavant une attention toute particulière à ces compétences et aptitudes comportementales, humaines et personnelles. Elles sont aujourd’hui jugées tout aussi voir plus importantes que les compétences techniques. La créativité, l’adaptabilité, la capacité à résoudre des problèmes complexes ou encore l’intelligence émotionnelle comptent, selon LinkedIn, parmi les soft skills les plus recherchées en 2020 par les entreprises. Une bonne nouvelle pour les multipotentiels.

Comment manager ce genre de profil ?

Il vaut mieux leur confier des postes transverses qui demandent d’interagir avec d’autres services ou d’intervenir sur des missions diverses. Mieux vaut également les tenir en haleine, les inscrire dans un plan d’évolution, les stimuler avec des challenges ou leur offrir une formation qui développe leurs compétences. Il risque, sinon, de s’ennuyer et de partir.

Un multipotentiel peut-il s’épanouir dans le salariat ?

C’est vrai que la plupart finissent par se lancer dans l’entrepreneuriat. S’ils se tournent vers l’entreprise, ils devront identifier celles dont la culture managériale est fondée sur l’autonomie et la confiance. Et celles qui répondent à leur quête de sens. Le job de rêve n’existe pas mais une chose est sûre : le monde du travail est en profonde mutation et ces changements sont aujourd’hui favorables à ces profils atypiques.