Interview
Docteure en neurosciences cognitive
25 novembre 2022
Devenez, à votre échelle, acteur du changement ?
Vos idées nous intéressent, votre opinion nous importe et votre point de vue est essentiel.
Nos clients ressentaient le besoin d’avoir des indications sur la manière de travailler en visioconférence, aussi bien au niveau individuel qu’au niveau collectif.
Nous avons condensé nos apprentissages sur le terrain et les connaissances scientifiques afin de donner une vision assez précise des mécanismes cognitifs engagés pendant les visioconférences. Cela permet de comprendre les effets que l’on peut ressentir et de trouver des stratégies efficaces pour y faire face.
Les réunions en visioconférence différent totalement des réunions classiques. Pourquoi ? Parce que l’on n'a pas accès aux mêmes signaux. Compenser la dégradation de ces signaux demande un effort supplémentaire à notre cerveau. En sciences, on appelle cela la résolution d'ambiguïtés. En visio conférence on perçoit moins bien le langage et le non verbal, tout ce qui concerne les mouvements de notre corps, la nature de notre regard etc. Cela se doit à la technologie et à la qualité de notre connexion Internet. Tous ces signaux perceptifs non verbaux sont nécessaires pour pouvoir nous adapter à nos interlocuteurs. Quand ils sont absents, cela met notre cerveau en difficulté parce qu’il doit accomplir des tâches supplémentaires et résoudre de nombreuses ambiguïtés : Mon interlocuteur est-il content ? Exprime-t-il une émotion particulière ? Son visage est-il neutre ?
A cela s’ajoutent des difficultés socio-cognitives, à savoir tous les rapports naturels qui régulent la discussion et le groupe. Le regard direct constitue un indice très puissant permettant au cerveau humain de décoder les intentions des autres. Or en visio il est souvent absent ce qui peut déstabiliser la dynamique de groupe. Autre élément perturbateur : les longs silences. Ces silences surviennent souvent dans des groupes se connaissant peu. Ils peuvent se révéler très angoissants pour le cerveau qui les associe à des troubles de la communication.
Il convient tout d’abord de se poser la question de la nécessité de la visio. Pour travailler ensemble sur un document on peut par exemple avoir recours à des outils collaboratifs ou simplement organiser un échange téléphonique.
Si la visio s’avère incontournable, il faut l’organiser en envoyant l’ordre du jour et les objectifs en amont. Nous recommandons aussi d’utiliser des outils pour « prendre la température » des équipes et faciliter la prise de décisions (tableaux interactifs, sondages ouverts etc).
Pendant la réunion, une bonne habitude à prendre consiste à saluer les interlocuteurs, en mode « galerie » au démarrage, puis à privilégier l’affichage « intervenant » pour se concentrer sur la personne qui parle. Dans le cas contraire, le cerveau passe en « multi-tasking sauvage », il va de vignette en vignette, et détecte toute nouveauté, tout ce qui lui parait incohérent (le passage d’un chat, un bruit parasite). Pour reprendre le contrôle de son environnement virtuel, protéger ses capteurs attentionnels, on peut donc se concentrer sur l’intervenant, ôter les notifications, couper son micro et demander aux autres participants d’en faire de même.
Après la visio, idéalement il faut faire une pause sans écran, se lever, marcher, bouger, même cinq minutes.
Oui bien sûr. La visio a sauvé à la fois notre travail et notre vie sociale. En tant qu’êtres humains nous avons besoin d’endroits où nous retrouver, entendre les autres et donner notre avis. Autre avantage, les outils numériques performants dont nous disposons permettent une meilleure répartition de la parole et donc des rôles au sein des équipes. Ceux qui parfois n’osent pas s’exprimer en public lors de réunion en présentiel ; ose plus en ligne via le tchat par exemple. Enfin cette modalité de réunion limite les déplacements et peut favoriser le gain de temps.
Savoir gérer son attention sera un enjeu majeur du développement des compétences au XXIe siècle.
La Science nous démontre que la visio demande énormément d’énergie mentale. Une journée de réunions n’équivaut pas à une journée de visio, il faut bien en prendre conscience ! Ce n’est pas un hasard si de nombreuses personnes s’en plaignent et sont à la recherche de bonnes pratiques à mettre en place.
Nous avons trop longtemps mis de côté un outil très puissant, notre cerveau. Le talent n’est pas inné, il résulte de l’expérience et de l’entraînement. Il faut absolument accompagner les salariés afin qu’ils se connaissent, se comprennent mieux et puissent adopter des stratégies de plus en plus adaptées. Cela nous permettra d’avoir des métiers favorisant l’épanouissement de chacun, dans des entreprises plus sereines.