Interview
Co-fondateur et directeur de Cog’X
18 février 2021
Devenez, à votre échelle, acteur du changement ?
Vos idées nous intéressent, votre opinion nous importe et votre point de vue est essentiel.
"Les sciences cognitives apportent un regard complémentaire sur la vie au travail notamment sur les comportements automatiques et sur le fonctionnement des organisations inadaptées à celui de notre cerveau".
Les sciences cognitives visent à comprendre les fonctions du cerveau. Elles sont à l’intersection de nombreuses disciplines comme la biologie, la neurologie, la psychiatrie, la psychologie, la philosophie… Par rapport à toutes ces disciplines, elles apportent un regard complémentaire sur la vie au travail notamment sur les comportements automatiques et sur le fonctionnement des organisations inadaptées à celui de notre cerveau. Nous sommes intrinsèquement des animaux sociaux. Ainsi, si nous nous retrouvons seul dans un bureau par exemple ou à son domicile pour travailler, nos capacités notamment cognitives auront tendance à diminuer.
Elles nous enseignent d’abord qu’il est important de trouver un équilibre entre la recherche de nouveautés perçues comme des récompenses par notre cerveau et la recherche de stabilité qui s’inscrit dans la propension de notre cerveau à fonctionner souvent en mode "économie d’énergie". Trop de flexibilité est souvent source d’incertitude. Or il est coûteux pour le cerveau d’effectuer des prédictions sur des situations inconnues ou incertaine. Cela peut générer des erreurs voire de l’instabilité psychologique.
Il existe en fait de très nombreux biais cognitifs qui peuvent entraver ce type de démarche. C’est le cas par exemple de l’"effet de groupe" qui survalorise les opinions du groupe auquel on appartient et inversement déprécie celles des autres groupes. Ce jeu de polarisation doit être attentivement surveillé car il gêne l’innovation. Il y a aussi le "biais de confirmation" qui incite à ne retenir que les informations qui vont dans le sens de ses propres croyances. Il faut donc s’assurer que la libre circulation des idées est favorisée. La diversité du collectif notamment peut permettre de contourner ce biais.
Dans le cadre d’une organisation, la résistance au changement et sa mise en question est une attitude plutôt saine. Il est en effet indispensable de questionner le changement et cela passe aussi par la résistance naturelle que nous avons face au changement.
À l’image de l’Éducation nationale qui s’est doté d’un Comité scientifique où les neurosciences sont très présentes, les entreprises devraient faire de même. Cela permettrait peut-être de mieux respecter les principaux piliers de l’apprentissage. À savoir d’abord le respect de l’attention qui nécessite un environnement qui permettent de rester concentrer sur l’apprentissage. Faire du e-learning dans un open space n’est pas forcément la bonne solution. Il est important aussi de tenir compte de la notion de consolidation en espaçant les moments d’apprentissage. Mieux vaut suivre deux fois 2 heures de formation plutôt que 4 heures d’un coup. La question du feedback est également essentielle. La rétroaction au plus près du travail effectué permet à la personne en cours d’apprentissage de se positionner et de mieux comprendre ses éventuelles erreurs. Enfin, la notion d’engagement et d’effort est indispensable au succès d’un apprentissage. Se contenter de regarder des vidéos sera toujours moins efficace que d’expérimenter, de pratiquer des exercices.
Dans ce domaine, les sciences comportementales apportent sans doute plus de réponses que les sciences cognitives. C’est en passant par un questionnement des usages et des comportements qui varient selon les besoins, les activités, les rythmes de travail ou encore les interactions qui doivent se faire que l’on peut penser les espaces de travail. Cela doit aller, au final, vers une personnalisation de l’expérience salariée.
Cela suppose d’abord un rapport à la connexion équilibré nécessitant une relation de confiance entre manager et salarié. Le rythme de travail doit être également équilibré et clairement défini. Enfin, il faut s’assurer que des relations informelles puissent s’établir malgré la distance. Lors de visioconférences, souvent les participants entrent tout de suite dans le vif du sujet. En présentiel, il y a beaucoup plus d’échanges informels individuels qui sont essentiels au bon équilibre relationnel dans l’entreprise. Même à distance, il faut donc imaginer de nouveaux rituels qui puissent recréer ce type d’interactions.