La CNV, une posture compatible avec l’entreprise ?

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La CNV, une posture compatible avec l’entreprise ?

22 février 2022

La Communication Non Violente® (CNV) est un processus de communication développé par le psychologue américain Marshall Rosenberg dans les années soixante. Basé sur l’expression des émotions et des besoins, il pourrait intuitivement sembler antinomique avec le monde de l’entreprise. Pourtant il favorise une meilleure écoute de soi et des autres, permet de désamorcer ou de résoudre des conflits, de libérer la parole, d’exercer son pouvoir « avec », de développer ses soft skills. Tour d’horizon de ses bienfaits et de ses limites.

Ce processus souligne que « les jugements que nous portons sur les autres sont l’expression tragique de nos besoins non satisfaits ». La Communication NonViolente®, c’est d’abord et avant tout une question d’intention : « prendre soin du lien en étant à l’écoute et dans la considération des besoins de chacun ». Elle repose sur un processus en quatre étapes résumées par l’acronyme OSBD pour « observation, sentiment, besoin, demande". Il s’agit d’identifier ses sentiments et de connaitre ses besoins profonds pour s’affirmer, dans la bienveillance à l’égard de l’autre, d’écouter les sentiments et besoins de l’autre et, in fine, mieux communiquer. 

"Parler des émotions n’est pas toujours bien accueilli en entreprise. Pourtant, lorsque l’on exprime clairement et avec authenticité ses ressentis et ses besoins, que l’on partage ses vulnérabilités, c’est bien perçu " témoigne Giliane Tardy, coach professionnelle certifiée, ancienne consultante puis manager dans des grands groupes et petites entreprises.

Plus qu’une méthode, une manière d’être au monde… 

"La CNV est avant tout une manière d’être au monde, une posture qui invite à prendre en considération les besoins de chacun" analyse Sophie Rousseau, formatrice en Communication NonViolente®, certifiée du CNVC[1], ancienne salariée dans la communication interne et externe puis consultante en RH.

Au sein de l’entreprise, la CNV permet de développer des compétences relationnelles au service d’une véritable coopération en équipe. Elle se développe beaucoup dans les entreprises familiarisées avec les pratiques d’intelligence collective et organisées en gouvernance partagées (entreprises libérées par exemple). Elle peut aussi être mise en place dans des structures où le comité social et économique (CSE) a alerté le dirigeant sur des conditions de travail dégradées.

…basée sur l’assertivité, l'écoute, le dialogue

« J’ai testé ce processus à plusieurs reprises, notamment pour désamorcer des conflits avec des équipes transverses et multi-culturelles où régnaient de nombreux non-dits. Ce qui est particulièrement puissant c’est le fait de bannir les jugements, de parler à la première personne. L’expression des émotions, le respect réciproque des interlocuteurs, permettent de faire des feed-backs constructifs. Un manager se montre tatillon lorsque l’un de ses besoins n’est pas rempli. En clarifiant sa demande cela permet à l’équipe de mieux travailler ce qui a un impact à la fois sur la productivité, sur la collaboration et par ricochet sur la motivation et l’engagement de chacun » résume Giliane Tardy. La CNV développe l’écoute, le respect et l’empathie.

Si ce processus s’avère efficace, on peut se demander pourquoi il n’est pas d’avantage utilisé. Est-elle difficile à acquérir? « Dans les trois premiers modules, on apprend notamment à exprimer ce qui est important pour nous, à dire de vrais « oui ». Pour certaines personnes, l’appropriation est extrêmement compliquée, pour d’autres cela peut aller très vite. Nous avons été éduqués à penser le monde de manière binaire en distinguant le bien et le mal. La CNV nous invite à sortir de ce conditionnement en nous centrant sur ce qui se passe pour nous et pour l’autre et en trouvant des solutions qui prennent en compte les besoins de chacun tout en servant la raison d’être de l’équipe et de l’organisation » explique Sophie Rousseau. "Un salarié qui a l’impression de perdre son temps en réunion va témoigner de son besoin de faire un meilleur usage de son temps et son énergie et exprimera des propositions dans ce sens. Un manager agacé, quand un salarié n’a pas fait ce qu’il s’était engagé à faire, témoignera de son besoin de fiabilité et fera des demandes explicites. Il écoutera aussi ce qui se passe pour le salarié, ce qui lui permettra de comprendre par exemple que ce dernier a besoin de sens. Ils se mettront tous les deux d’accord sur le fait de prendre plus de temps en amont pour mieux comprendre les attendus du travail demandé".

Les clés du succès : l’implication du dirigeant et le suivi post-formation

Sophie Rousseau estime que ces deux éléments doivent être réunis pour assurer le succès d’une formation en CNV. Tout d’abord l’implication du dirigeant. Lui-même formé à la CNV, il peut ainsi remettre en question sa manière de communiquer, de penser et adopter un langage prenant soin des liens entre les individus. Ensuite, il convient de prévoir un suivi post formation : ateliers de pratique, coaching d’équipe, séances d’analyse de pratique, accompagnement d’équipe... 

Néanmoins, la demande d’un salarié en désaccord de valeurs avec son entreprise pourra difficilement être entendue, on ne peut œuvrer seul pour améliorer la qualité des relations dans une équipe. C’est peut-être la limite de ce processus.

Toujours est-il que les résultats peuvent être très encourageants. Sophie Rousseau témoigne des effets très concrets d’une série de formations menées dans un laboratoire de chercheurs en sciences humaines depuis 5 ans. "Le nombre de jours d’absentéisme a chuté par plus de 4 alors que le nombre de publications a augmenté. De quoi peut être rassurer ceux qui douteraient que mettre l’humain au cœur apportera les résultats escomptés !".


[1] Center for NonViolent Communication, le seul organisme habilité à reconnaître les compétences des formateurs en CNV et leur capacité à délivrer le processus dans toute son intégrité et sa puissance.