Le meilleur du management s’use, s’effiloche et bouloche

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Le meilleur du management s’use, s’effiloche et bouloche

31 août 2021

Nous avons tous besoin de reconnaissance. Un point que le management a bien intégré en préconisant de souligner les forces, les talents ou les qualités des collaborateurs en vue d’obtenir le meilleur d’eux. Mais l’éloge est en réalité comme un pull. A force d’être trop utilisé, il peut s’user, boulocher, s’effilocher et s’avérer du plus mauvais effet.

L’idée reçue : l’éloge porte ses fruits

L’idée selon laquelle faire l’éloge des qualités d’une personne ou d’une équipe produira de meilleurs résultats peut s’avérer fausse.

Dans leur étude intitulée « Praise For Intelligence Can Undermine Children’s Motivation and Performance » (l’éloge de l’intelligence peut diminuer la motivation et les performances des enfants), les psychologues Claudia Mueller et Carole Dweck ont demandé à différents étudiants de faire un exercice conçu pour réaliser des performances élevées. Tous les étudiants sélectionnés avaient un niveau supérieur à la moyenne. Préalablement, elles avaient fait de chacun un éloge de leurs succès passés. Les premiers s’entendaient dire que leur intelligence devait les aider à résoudre le problème (groupe A). Les seconds que le sens de l’effort qui les caractérisait devait leur permettre d’obtenir un très bon résultat (groupe B). Les troisièmes s’entendaient préciser qu’ils étaient simplement là parce qu’ils avaient habituellement de bonnes notes (groupe C).

L’éloge bouloche au fil de du temps

Les résultats d’une telle expérience sont surprenants. Les étudiants dont on a fait l’éloge de l’intelligence obtiennent les plus mauvais résultats. Les étudiants flattés pour leur sens de l’effort, enregistrent les meilleurs résultats.

L’expérience se poursuit avec une succession d’exercices de plus en plus difficiles tandis que les éloges faits aux uns et aux autres sont répétés.

Irrémédiablement, le score final reste inchangé :

  • En première position, le groupe B de ceux pour qui on a fait l’éloge de leur sens de l’effort.
  • En deuxième position, le groupe C de ceux qui n’ont fait l’objet d’aucun éloge.
  • En troisième position, le groupe A de ceux pour qui on a fait l’éloge de leur intelligence.

Pourquoi ?

Au final l’éloge s’effiloche

L’explication apportée en réponse par les deux psychologues est que faire l’éloge d’une personne conduit à fixer, à focaliser son état d’esprit, ce qui engendre une série de phénomènes de nature à la pénaliser.

Tout d’abord, la personne use spontanément de la qualité qui a fait l’objet de l’éloge au détriment d’autres traits d’esprit (créativité, imagination, émotions…).

Ensuite, la personne se souciant de ce que l’on attend d’elle et veillant à s’y conformer, désireuse de ne pas s’exclure du groupe, s’attelle à user de la qualité qui lui a été reconnue.

Enfin, la personne évite de sortir du rôle qu’elle s’est vu attribué par peur d’un échec qui la rendrait, le croit-elle, inadaptée. C’est pour cette raison que les étudiant branchés sur leur « intelligence », s’enferrent, s’enferment et réalisent de moins bonnes performances. A l’inverse, celles et ceux orientés vers leur sens de l’effort, sont dans un état d’esprit plus ouvert aux tentatives, aux essais, aux prises de risques et réussissent donc mieux.

La nature humaine est si complexe que même pavée de bonnes intentions, les initiatives des meilleurs managers peuvent les faire glisser. En management, tout l’art n’est pas tant de faire l’éloge des compétences des uns ou des autres, mais également de les aider à ne pas s’en contenter. Un point de vigilance pour les jeunes professionnels travaillant au sein de start-up, toujours enclins à encourager leurs collaborateurs dans ce qu’ils font le mieux, sans nécessairement réaliser que ce faisant, ils leurs font peut-être parfois un peu de mal. Combien de jeunes professionnels ayant démarré leurs carrières dans des start-up, se sont bien revendus à de grands groupes grâce à un large spectre de savoir-faire hyper technique acquis dans une jeune pousse et se sont brusquement retrouvés en face d’un cruel déficit de savoir-être, que le monde digital d’où ils venaient avait omis de les inviter à développer.