L'organisation de l'entreprise bousculée par l'entrée de l'intelligence artificielle

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L'organisation de l'entreprise bousculée par l'entrée de l'intelligence artificielle

25 avril 2022

L'embauche d'experts de la data ne garantit pas le succès de la greffe d'algorithmes sur un mode de fonctionnement. Le primat ne doit pas être donné à la technologie, mais au dialogue avec les opérationnels qui passe par un travail d'acculturation des données.

Pour l'entreprise, la question n'est plus de savoir si elle doit passer à l'ère numérique -aujourd'hui l'informatisation n'est plus une option- mais de comprendre le bénéfice qu'elle pourrait tirer des données toujours plus nombreuses qu'elle a à sa disposition, en interne comme dans son environnement.

De la gestion de la data à l'introduction de l'intelligence artificielle (IA) dans l'organisation il n'y a qu'un pas. Les raisons de le franchir peuvent être variées : améliorer la relation client, optimiser une chaîne de production ou revoir le fonctionnement des ressources humaines. Mais pour l'entreprise l'entrée dans cette nouvelle dimension ne va pas de soi. Au-delà des aspects techniques, de l'hétérogénéité des données, des algorithmes, du machine learning, les obstacles qu'il va falloir affronter sont bien souvent d'ordre culturel. Ils touchent à l'idée que chacun se fait de l'IA, au rapport homme-machine, aux méthodes de travail, aux relations entre les métiers, bref, ils bousculent l'organisation même de la société. Rien d'étonnant dès lors que l'arrivée dans l'espace de travail des experts de la data ne soit pas d'emblée couronnée de succès.

Changer d'état d'esprit

Avant de réussir son entrée dans l'IA, l'Agence Régionale de Santé Auvergne-Rhône Alpes a ainsi essuyé les plâtres en ouvrant ses portes à trois reprises à des data scientists qui ne sont pas restés. Valérie Genoud, sa directrice des ressources humaines, analyse cet échec initial en jugeant que le projet de l'ARS « n'était pas mûr ». Isabelle Hilali, directrice de datacraft, club des experts de la donnée qui a accompagné l'ARS dans sa démarche, pointe de son côté l'extrême volatilité des data scientists, des professionnels très demandés par les entreprises, prompts à se dégager si la structure qui les sollicite tarde à cadrer son projet.

Le dialogue entre les professionnels de l'algorithme « qui se plaignent de la difficulté à être compris, à établir des liens », et les équipes opérationnelles de la structure accueillante est parfois difficile indique isabelle Hilali en soulignant le travail d'acculturation que doit faire une entreprise qui s'ouvre à l'IA. L'essentiel est de parvenir à « partager un référentiel commun » dit-elle. Il s'agit ici moins de s'initier au python -langage de programmation- que de découvrir les principes de l'IA, une démarche analytique, le « test-and-learn », l'agilité, le droit à l'erreur…

Pour les collaborateurs de l'entreprise, le changement d'état d'esprit est plus important que la technique, confirme Valérie Genoud en pointant les retombées de l'approche IA dans la façon de travailler sur des sujets de tous ordres : « dans le service RH, nous avons intégré des notions comme le droit à l'erreur, l'expérimentation. Ca a changé la façon dont on pilote une réunion ».

Passer par le jeu

Passer rapidement de l'idée à la réalisation d'un prototype, même très limité, de tester, de se tromper, de recommencer permet de se comprendre et d'avancer. Le projet de l'ARS, explique Valérie Genoux, était de construire une base de données sociales accessibles aux parties prenantes à partir d'une kirielle de rapports. « Nous avons commencé petit, en fabriquant un premier livrable centré sur deux axes d'un projet qui en comportait 10 avec plus de 200 indicateurs. On est arrivé rapidement à un résultat et ceux qui avaient participé aux ateliers étaient plutôt fiers et satisfaits. A partir de cette concrétisation modeste du projet IA, qui a été reconnue par les parties prenantes, on a pu mettre en route les étapes suivantes. »

L'indispensable acculturation de l'entreprise peut aussi passer par le jeu, indique Isabelle Hilali. datacraft a construit avec deux de ses partenaires, Danone et Air Liquide, un escape game qui sert de porte d'entrée à l'IA pour les participants « non data » aux ateliers du club des data scientists. « Cet outil d'acculturation vise à donner envie aux collaborateurs de s'impliquer dans les sujets IA en les amenant à expliquer leur problématique -ici des plantes qui ne vont pas bien- pour finir par comprendre l'intérêt d'avoir collecter et su utiliser certaines données. »

Le métier avant la data

L'ARS Auvergne Rhône Alpes a aussi emprunté cette voie ludique avec le concours de datacraft, indique Valérie Genoud, en apprivoisant la data au sein de la DRH, en organisant des jeux olympiques de la data, des quizz, des concours par équipes jusqu'à l'arrivée des professionnels de la data.

L'un des effets positifs de ce cheminement des équipes dans le paysage de l'intelligence artificielle, est la façon de voir la data : « on finit par oublier la donnée comme technique, comme ensemble de chiffres et de tables, pour se concentrer sur ce que l'on va faire, analyser et concevoir » indique la DRH de l'ARS. « Les collaborateurs changent de pratique, ils passent moins de temps sur la donnée pour se concentrer sur le métier, sur l'offre de service. La data permet alors de construire de l'accompagnement, de la collaboration. »

Cette vision analytique de l'environnement de travail intégre peu à peu la culture de l'entreprise. La « datalphabétisation », que Pierre Canet, de Blue-Search Conseil définit comme la capacité à « savoir analyser la data pour en tirer des connaissances » est en passe de devenir une compétence appréciée par les entreprises lors du recrutement de collaborateurs, quelquesoit leur domaine d'activité.


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