Peut-on encore rire au travail ?

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Peut-on encore rire au travail ?

26 juillet 2021

Quelle place peut occuper l’humour dans la sphère professionnelle ? L’évolution des mœurs et les nouvelles habitudes de travail font-elles peser une menace ? Est-ce vraiment important de rire avec ses collègues ?

"De toute façon, aujourd’hui, on ne peut plus rien dire." Voilà une phrase dorénavant courante, qui ne date toutefois pas d’hier. Souvent prononcée après une tentative d’humour ratée, elle met en exergue la difficulté de la tâche qui consiste à faire rire, sans offenser.

Ce constat est d’autant plus valable au travail, les collègues n’étant pas forcément des amis. Alors pratiquer l’humour au bureau est-il devenu trop risqué ? Faut-il désormais bannir les blagues, calembours, galéjades et autres plaisanteries auprès de ses collègues ?

Pourquoi rire au travail ?

En premier lieu, le jeu en vaut-il la chandelle ? En d’autres termes, quel est l’intérêt du rire dans la sphère professionnelle ?

De façon générale, ce mécanisme humain apporte de nombreux bénéfices. Plusieurs études scientifiques ont ainsi souligné qu’il entraînait la libération d’hormones telles que la dopamine, la sérotonine ou les endorphines. Cela signifie que le rire aide à stimuler le système immunitaire, à réduire les tensions, à soulager le stress… Des vertus utiles dans la vie quotidienne, et donc également au sein d’un contexte professionnel.

Mais le rire joue aussi un rôle capital dans les interactions sociales. Il facilite la collaboration entre individus, en créant des relations de complicité, et aide à détendre les atmosphères pesantes et les conflits larvés. Au travail, il agit donc comme un catalyseur des liens entre collaborateurs et de bien-être professionnel. Une propriété d’autant plus appréciable à l’heure où le télétravail s’impose progressivement comme une norme, mettant à l’épreuve l’esprit d’équipe en entreprise.

Faut-il rire au travail ?

Il convient cependant de ne pas céder à une éventuelle injonction au rire. Car si ce dernier est incontestablement bénéfique, il ne représente pas le seul moyen de créer une cohésion d’équipe. D’autres valeurs, non moins importantes, peuvent également contribuer à renforcer les liens entre collègues : la solidarité, l’entraide, la bienveillance, l’altruisme…

Si tout le monde apprécie l’humour, ce trait de caractère n’est donc pas indispensable à la productivité, ni à une vie professionnelle épanouissante. Il existe bien d’autres façons de prouver sa valeur à ses collègues. Aucun projet n’a d’ailleurs jamais abouti grâce à une blague parfaitement racontée – si ce n’est celui d’un one-(wo)man-show.

Par conséquent, inutile de forcer sa nature. Si vous n’êtes pas d’un naturel facétieux, ne vous aventurez pas à tout prix sur le chemin de l’humour. D’autant que ce dernier est pavé d’obstacles.

Peut-on rire de tout au travail ?

Répétons-le : les collègues ne sont pas nécessairement des amis. Et quand bien même ce serait le cas, il n’est pas toujours aisé de parfaitement évaluer la sensibilité de chacun sur différents sujets. Alors à quoi bon prendre le risque de choquer ou de blesser quelqu’un pour une simple blague ?

Car oui, il existe des catégories d’humour plus susceptibles de heurter l’auditoire que d’autres. Comment les reconnaître ? Elles consistent en général à se moquer d’une personne ou d’un groupe (souvent minoritaire), à rabaisser ou à exclure la cible de la plaisanterie.

Par exemple, il est généralement risqué de s’attaquer à quelqu’un sur une propriété qu’il n’a pas choisie : sa couleur de peau, ses origines, son genre, son orientation sexuelle, son handicap… À plus forte raison si la caractéristique en question peut être source de discrimination au sein de la société. Il n’est cependant pas impossible qu’une telle plaisanterie fasse rire. Mais elle peut aussi provoquer des réactions – légitimes – de gêne, de désarroi ou de colère.

Comment faire rire au travail ?

Est-on dès lors condamné à se passer de l’humour au bureau ? Non, il faut simplement garder à l’esprit que tout le monde ne rit pas des mêmes choses. Que le potentiel comique de l’humour noir ou grivois, par exemple, n’est pas unanimement reconnu. À l’inverse, il est plus sûr d’avoir recours à l’autodérision ou à des références communes.

Évidemment, cela ne garantit pas le succès de chaque tentative. Mais il ne faut pas avoir peur de prendre un bide. Échouer à faire rire n’est pas dommageable. Blesser un(e) collègue l’est davantage.

Le télétravail a d’ailleurs accru ce risque, en multipliant les échanges par messagerie. Et l’humour écrit s’avère parfois plus délicat, dans la mesure où le second degré ne transparaît pas toujours aussi clairement que dans l’esprit de son auteur. Néanmoins, il laisse également plus de temps pour réfléchir à la meilleure formulation de sa plaisanterie. Il convient alors de tourner sept fois ses doigts sur son clavier avant d’appuyer sur « Envoyer », de sorte à éviter les propos offensants. Malgré ces précautions, il peut toutefois arriver de se tromper et de heurter la sensibilité d’un(e) collègue. Dans ce cas, la meilleure attitude consiste à reconnaître son erreur et à présenter ses excuses à ceux qui ont été blessés. Car s’il est permis de faire une mauvaise blague, chacun est également libre de ne pas la trouver amusante et de réagir à sa façon. Rejeter la faute sur l’autre, en invoquant le droit à l’humour ou la liberté d’expression, semble donc malvenu. Une drôle de conception de la vie en communauté.