Entreprises numériquement responsables

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Entreprises numériquement responsables

23 juin 2020

Pour les employeurs, l’inclusion numérique renvoie directement à un impératif de développement des compétences. Il y va bien sûr de la performance de leurs organisations. Mais aussi de leur responsabilité sociale.

La crise sanitaire qui nous frappe est en train de chambouler toute la chaîne de valeur économique, appelant, au nom de la résilience, de nouveaux fondamentaux industriels : relocalisation des activités, contrôle du risque, redondance des systèmes critiques… Tout cela va réclamer des efforts substantiels de formation et de qualification autour des savoir-faire parfois mal maîtrisés, voire abandonnés de longue date sur l’autel de la mondialisation. Pour les entreprises, plus que jamais, l’enjeu stratégique se niche dans les compétences. Elles ne pourront les développer sans l’outil numérique. A elles de faire que le numérique ne soit pas l’ennemi des compétences.

« Dès 2008, Axa, avec un certain nombre d’influenceurs de l’époque, avait pris publiquement position pour “le bon sens numérique”, autrement dit pour un usage raisonné et raisonnable des nouvelles technologies. Nous étions donc plutôt en avance », raconte Éric Lemaire, Directeur de la communication, de la marque et de la RSE d’AXA France. Aujourd’hui, les grandes organisations, conscientes des enjeux, sont de plus en plus nombreuses à prendre le sujet à bras le corps.

Diagnostiquer sans stigmatiser

Autant le dire, on marche ici sur des œufs. Car aborder la question de l’illectronisme en entreprise, même sans utiliser le terme, expose frontalement le management au risque de procès en stigmatisation. C’est d’ailleurs pour aider les employeurs à avancer sur ce terrain meuble que l’Agence de lutte contre l’illetrisme (ALCI), en partenariat avec l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH), a édité une brochure de sensibilisation à destination des acteurs de l’entreprise. Pour prévenir tout mauvais pas, les entreprises mobilisent des dispositifs rodés et reconnus : entretien individuel, bilan de compétences, formation professionnelle, reverse mentoring, etc.

Mais la question de l’inclusion numérique dépasse de loin les frontières internes des employeurs. Dans le contexte dramatiquement chamboulé par la pandémie de Coronavirus, les entreprises doivent non seulement réinventer leur processus RH, mais s’affirmer très franchement comme des acteurs de l’innovation et des ciments de la cohésion sociale. « Notre responsabilité d’opérateur local est d’accompagner les changements de modèles de société dans la durée pour ne laisser personne au bord de la route. D’autant que nous sommes aujourd’hui amenés à proposer sans cesse de nouveaux services numériques à nos clients. C’est le sens de l’histoire mais cela ne doit pas nous empêcher de regarder tout le monde avec la même sollicitude », développe Maximilien Pellegrini, directeur général de Suez Eau France. Dans le développement de sont offre de services, l’entreprise s’impose un prérequis systématique : pas de nouveaux services digitaux sans alternatives dédiées au public en situation d’illectronisme. « Nous nous attachons à proposer des services hybrides qui associent digital et présence physique, digital et print, digital et moyens de paiement alternatifs », poursuit le dirigeant.

Exclusion bancaire et exclusion numérique

Pour les grandes entreprises de services, l’inclusion numérique renvoie à une obligation contractuelle d’égalité de la prestation délivrée à la clientèle, quelles que soient les disparités géographiques, culturelles, technologiques ou économiques. Seul établissement financier en France à porter une mission de service public d’accessibilité bancaire, la Banque Postale compte parmi ses clients une forte représentation de personnes  issues de milieux modestes et précaires.

« Aujourd’hui, la lutte contre l’exclusion bancaire est étroitement liée à l’inclusion numérique », souligne Delphine de Chaisemartin, Directrice des affaires publiques et de la communication institutionnelle et financière. Dès 2019, l’entreprise a lancé un programme national en faveur de l’inclusion sociale, numérique et bancaire, déployé aujourd’hui dans 300 bureaux de poste dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) sur tout le territoire, départements d’outre-mer compris. Comment ça marche ? Des médiateurs accueillent les clients (en file d’attente ou en cas de demande d’information), vérifient les raisons de leur venue au bureau et leur proposent de répondre à un test en douze questions sur tablette mobile, afin d’établir un diagnostic de leur niveau d’aisance avec les outils et les usages numériques. En fonction des réponses, les clients seront informés des opérations réalisables sur automate et sur les applications en ligne et les médiateurs pourront procéder avec eux  à des démonstrations, voire leur proposer de bénéficier gratuitement de formations aux usages numériques, via des ateliers en partie financés par La Banque Postale et dispensés par des réseaux associatifs comme FACE, l’UNPIMMS, Emmaüs Connect et We Tech Care.

Car dans ce combat pour l’inclusion et la cohésion, les entreprises ne pourront agir efficacement seules. Et dans l’horizon si incertain qui se dessine devant elles, il leur faudra plus que jamais s’appuyer sur le tissu associatif, au plus près du terrain, au plus près des publics.