La Passion Economy : un nouveau modèle d'entrepreneuriat ?

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La Passion Economy : un nouveau modèle d'entrepreneuriat ?

1 septembre 2020

L'entrepreneuriat est en pleine évolution et séduit de plus en plus de personnes. La Gig économie, développée par de grandes entreprises comme Uber et Deliveroo, a montré ses failles : en vendant le rêve à chacun de devenir "son propre patron", les individualités se sont diluées dans un modèle commun et soumis à des règles strictes et rigides.

En réaction, la Passion Economy mise elle sur la personnalité propre de chacun, sur la créativité, l'audace et l'originalité. L'idée tient en l'utilisation de plateformes numériques spécifiques permettant à des entrepreneurs de mettre en avant leurs compétences et leur expertise en publiant, selon leur rythme propre, du contenu consommable par leur audience et monétisable.

En janvier 2020, Adam Davidson, journaliste américain spécialiste de l'économie, a publié un ouvrage intitulé "The Passion Economy" dans lequel il décrit et analyse ce phénomène comme une nouvelle voie économique durable.

Une redéfinition de la notion de travail

Le modèle traditionnel de la notion de travail change, les concepts d'horaires, de locaux, de hiérarchie deviennent obsolètes pour une partie des individus qui aspirent à un autre modèle basé sur l'autonomie, le libre choix et la mise en avant de leur personnalité et de leurs aspirations pour générer un revenu. Plus largement, c'est la quête de sens qui motive cette nouvelle génération d'entrepreneurs.

La crise de la Covid 19 a eu pour effet de booster cette nouvelle économie en multipliant de manière exponentielle la demande des utilisateurs pour des cours en ligne, quel que soit le domaine, des tutoriaux divers, des points de vue décalés et pertinents sur des sujets variés… autant de domaines de prédilection pour la Passion Economy. 

Les acteurs de cette économie ont su créer et rassembler sur leur compétence, une audience (que l'on peut qualifier de clientèle) et générer un modèle économique viable.

You tube et Instagram avaient déjà permis à nombre de personnes de générer des revenus mais, là où ces plateformes payaient quelques centimes par vue, nécessitant pour les influenceurs, la gestion d'une audience colossale pour rentabiliser leurs efforts, la Passion Economy mise sur un prix juste, gagnant-gagnant, déboursé par une audience réduite en quête de qualité et personnalité affirmée.

Les technologies modernes ouvrent un champ des possibles quasi illimité à la création et a pour vertu de faire disparaitre les notions de diplômes, d'âge, de sexe, de couleur de peau pour créer une forme d'égalité des chances où seule la motivation et le travail librement décidé permet de développer, faire croitre et monétiser son idée. Les marqueurs traditionnels du travail volent en éclat au profit d'une individualité et d'une liberté totale.

Les exemples de succès fleurissent désormais : des auteurs de newsletter spécialisées et qualitatives payantes génèrent des milliers de dollars de revenus, des cours en vidéos dans tous types d'activités engendrent des abonnements de plus en plus nombreux, des modèles de coaching de groupes se multiplient également… le modèle, en tous cas pour quelques-uns, semble économiquement viable.

Un avenir pour la notion de travail ?

Il subsiste cependant une barrière culturelle forte que la France n'est peut-être pas prête à franchir. En effet, aux États-Unis, la notion de paiement sur internet pour bénéficier de l'expertise d'une personne dans un domaine particulier est un concept audible et "entré dans les mœurs". Dans l'hexagone, même si une bascule des comportements s'opère, les consommateurs restent attachés, pour sortir leurs portefeuilles et faire confiance, à des certitudes incarnées par la Marque, la reconnaissance et la sécurité. L'originalité et l'expertise sans faille semble donc ici des critères absolument déterminants pour envisager une réussite commerciale.

Des analystes américains voient dans cette nouvelle tendance une réussite future qu'ils expliquent par un mécanisme économique : l'innovation perturbatrice.

Théorie développée dans les années 1990 par Clayton Christensen, Professeur à Harvard, l'innovation perturbatrice se définit comme la propension de certaines innovations à séduire un marché à faible profit que les gros fournisseurs délaissent et que les avancées technologiques permettent d'être investis par une offre plus individualisée. Les possibilités ouvertes par les outils internet et les plateformes de diffusion, offrent à des entrepreneurs, la possibilité de donner libre cours à leur passion pour diffuser leur savoir-faire, sans n'être plus contraints par des lourdeurs imposées par les opérateurs traditionnels : l'offre devient protéiforme, se démocratise.

En parallèle, le consommateur de son côté change également. La défiance grandissante à l'égard des grandes plateformes, des mécanismes de publicité, du nivellement des offres… ouvre désormais une place de choix à qui saura proposer une offre sincère, personnalisée, sérieuse et accessible en termes de cout.

En tout état de cause, définir aujourd'hui combien de personnes peuvent réellement vivre de ce type d'activité est hasardeux et prophétique. Cependant, lorsque d'un côté, une offre alternative, sérieuse, qualitative et peu couteuse, rencontre de l'autre côté une demande lassée des modèles traditionnels et enthousiaste… les possibilités de succès semblent sans limite.Dans une économie où tous les sondages montrent une forte tendance des populations à tendre vers une volonté de créer son propre business et à sortir des modèles de salariat traditionnels, la Passion Economy est un secteur à surveiller, quel que soit le jugement que l'on porte sur son modèle.