La prévention, bras armé de la résilience

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La prévention, bras armé de la résilience

7 février 2022

Jugée plutôt efficace lorsqu’il s’agit d’affronter les crises, la France est à la peine en matière de prévention. Développer dès aujourd’hui une véritable culture du risque est pourtant la meilleure assurance face aux chocs de demain.

L’épisode pandémique a révélé la capacité des organisations à réagir et s’adapter avec rapidité face à une crise totalement inédite. Dans les administrations centrales, dans les services déconcentrés de l’État, dans les collectivités, dans les entreprises, des plans de continuité d’activité (PCA) ont été mis en œuvre. Il a fallu faire des choix, s’organiser. Pour protéger leurs salariés, les entreprises ont actionné en un temps record de nouvelles organisations fondées sur le télétravail.

Réputée plutôt performante dans la gestion des crises, la France le serait beaucoup moins quand il s’agit de les prévenir. Si les entreprises industrielles, a fortiori celles classées Seveso, sont tenues d’organiser de réguliers exercices de simulation, les citoyens demeurant ou travaillant dans leur périmètre demeurent les grands oubliés de ce type d’exercice, dont les experts en sécurité vantent pourtant la grande efficacité.

Si une sirène publique sonne, qui saura comment réagir ?

Didier Heiderich, président de l’Observatoire international des crises, constate même globalement un affaiblissement de la culture du risque en France. "Aujourd’hui, si une sirène publique sonne, qui saura comment réagir ? La réglementation est certes de plus en plus stricte, les mesures préventives de plus en plus nombreuses, mais il demeure d’importantes carences en matière de sensibilisation de la population. Les élus également peinent à se mobiliser. Et certains industriels rechignent à agir pour éliminer des risques qu’ils connaissent pourtant parfaitement. De manière générale, si les entreprises sont de plus demandeuses de conseil et d’accompagnement en prévention et gestion de crise, elles sont encore loin d’avoir une approche globale du risque."

En France, l’injonction aux actions de prévention passe mal. La réticence d’une partie significative de la population au passe sanitaire n’a rien d’inédit dans notre histoire récente. Lors de l'épidémie de grippe H1N1 en 2009, le ministère de la Santé avait commandé 94 millions de doses de vaccin. Selon l’Inserm, seulement 8% de la population française s’était fait vacciner (vs 24% aux États-Unis et 74% au Canada). On peut également citer le flop des campagnes de distribution de comprimés d’iode organisées par les pouvoirs publics depuis 1997 auprès des personnes résidant ou travaillant à proximité des centrales nucléaires. En février 2021, le ministère de l’Intérieur a dû se résoudre à adresser par voie postale les comprimés à 600 000 foyers qui ne les avaient pas retirés en pharmacie.

Le risque, grand absent des bancs de l’école

Dans la société, dans l’entreprise, la prévention des risques s’appuie sur une culture du risque. Et celle-ci se bâtit d’abord à l’école. Aujourd’hui en France, l’enseignement du risque se cantonne aux études actuarielles, à quelques spécialités au sein de programmes du supérieur et aux récentes formations dédiées à la sécurité informatique. Dans le primaire, au collège, au lycée, le risque, sa connaissance, sa compréhension, sa prévention, ne font l’objet d’aucun programmes spécifiques. Les plans particuliers de mise en sûreté (PPMS) face aux risques majeurs que les établissements scolaires sont tenus de mettre en œuvre pour préparer élèves et personnels à la survenance d’événements naturels, industriels ou terroristes, relèvent d’une stricte observance réglementaire.

Pas d’apprentissage du risque à l’école, pas d’exercices de simulation de crise à l’échelle de la société… Des carences d’autant plus dommageables que la sensibilisation au risque relève d’un processus d’acculturation à la fois collectif et sur le long terme.

Vers de nouveaux contrats sociaux

La question n'est plus seulement de faire conduire des machineries à partir de logiques connues et de normes données, mais de naviguer dans l'inconnu. Cela suppose un engagement direct des exécutifs, des prises de risque pour ouvrir les questions, rebattre les cartes d'acteurs, et construire des cheminements inédits. A ce défi de leadership s’ajoute un défi psychologique : suggérer que l'on doive travailler sur des zones pour lesquelles nous n'avons pas déjà les réponses, de pointer non plus l'incertitude mais l'ignorance et l’inconnu, provoque des chocs profonds dans nos cultures d'excellence.

Il va nous falloir compter sur des dirigeants publics et du secteur privé en mesure de répondre présents face à des situations illisibles, instables autant qu’urgentes, d’ouvrir des chemins inédits, de proposer de nouveaux contrats sociaux. Les citoyens devront prendre toute leur place dans ce nouveau monde. Ils devront adopter des comportements de prévention, faire preuve de toutes leurs capacités de mobilisation et de solidarité, s’engager dans les débats collectifs, participer à l’invention d’avenirs inédits.


Les sept piliers de la prévention :

- Connaissance des phénomènes, de l’aléa et du risque.

- Surveillance, prévision et alerte.

- Information préventive et éducation des populations.

- Prise en compte des risques dans l’aménagement et l’urbanisme.

- Réduction de la vulnérabilité.

- Préparation et gestion de crise.

- Gestion de l’après-crise et retour d’expérience.