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Certains recruteurs affirment faire confiance à leur « feeling » au moment de choisir le meilleur candidat. Une approche risquée, dans la mesure où l’être humain est sujet à l’effet de halo : notre jugement est fortement influencé par la première impression que nous avons formée sur un individu. Et ce biais cognitif est difficile à éviter…
« Vous n’aurez pas deux fois l'occasion de faire une première bonne impression. » Tantôt attribuée à Coco Chanel ou à l’auteur américain David Swanson, cette formule souligne l’importance du premier jugement. Mais pourquoi est-ce si crucial de soigner son entrée en matière ?
Parmi les nombreux biais cognitifs influençant le cerveau humain, figure l’effet de halo. Celui-ci traduit notre propension à attribuer des caractéristiques à quelqu’un ou quelque chose uniquement à partir d’une première impression. Ainsi, si cette dernière est positive, nous aurons ensuite tendance à juger plus favorablement l’individu (ou le produit, l’entreprise, la marque…), et inversement.
Le phénomène a notamment été mis en évidence par le psychologue américain Solomon Asch (le même qui a donné son nom à l’effet Asch). Dans les années 1940, le chercheur a réalisé une série d’expériences pour comprendre comment se formaient les impressions chez l’être humain. Il a, par exemple, confronté deux groupes de personnes à une même liste de traits de caractère : « intelligent, travailleur, impulsif, critique, têtu, envieux ». Seule différence : la liste du groupe A se présentait dans cet ordre, en commençant donc par les qualités, tandis que celle du groupe B était inversée : « envieux, têtu, critique », etc.
Chaque panel devait ensuite qualifier l’individu ainsi décrit. Le groupe A dépeignait alors « une personne compétente possédant certains défauts, n’occultant toutefois pas ses qualités ». De leur côté, les sujets B mettaient l’accent sur les lacunes de l’individu, dont « les capacités sont entravées par de graves difficultés ». De même, les mots situés au centre de la liste (« impulsif » et « critique ») ont été jugés positivement par le panel A, et négativement par le groupe B.
Ainsi, l’ordre d’apparition des caractéristiques semble jouer un rôle majeur dans l’impression quant à un individu. Et ce qui est vrai pour une description écrite l’est tout autant pour une perception subjective, fondée sur les sens, l’intuition ou le jugement. Ce travers humain est d’ailleurs largement exploité par les publicités, qui s’efforcent d’associer une impression positive aux marques qu’elles défendent, parfois sans rapport direct avec le produit en question.
Le monde du travail n’est évidemment pas épargné par l’effet de halo. Par exemple, certaines entreprises ont compris que soigner leur accueil leur permettait d’influencer positivement la perception de leurs clients, employés ou partenaires. Par ailleurs, les managers peuvent avoir tendance à s’appuyer sur leur première impression pour évaluer leurs équipes, ce qui peut les pousser à favoriser et à décourager toujours les mêmes collaborateurs.
Ce constat est aussi valable dans le recrutement. Car le recruteur possède peu de temps pour se faire une opinion sur la personne qu’il reçoit, et les raccourcis peuvent alors s’imposer d’eux-mêmes. Le candidat est habillé de façon élégante ? Il est certainement professionnel, rigoureux et ponctuel. Il porte des lunettes ? Il possède probablement de grandes capacités de réflexion, de concentration, voire des compétences élevées en informatique. Ainsi, au-delà de son aspect réducteur, l’effet de halo s’appuie souvent sur des stéréotypes, parfois grossiers. Il représente donc un risque sérieux de discrimination, notamment sur la morphologie, le genre, la couleur de peau, etc.
Alors comment éviter cette distorsion du jugement ? Mauvaise nouvelle : ce biais cognitif est très difficile à contourner. Connaître son existence ne suffit généralement pas à s’en détacher. La solution consiste plutôt à trouver des moyens d’atténuer ses conséquences.
Par exemple, dans le cadre du recrutement, il peut être utile de s’appuyer sur une grille d’évaluation, reposant sur des critères objectifs, des tests techniques ou de personnalité. De même, mener les entretiens à deux ou trois personnes aide à atténuer l’effet de halo. Ainsi, chacun aura l’occasion de confronter ses propres stéréotypes à ceux des autres et la décision collégiale sera moins soumise à l’influence d’une seule perception.
De leur côté, les candidats peuvent tourner ce biais cognitif des recruteurs à leur avantage. C’est en effet pour cette raison qu’il est régulièrement conseillé aux hommes de porter un costume-cravate, qui renverrait une image de sérieux et de professionnalisme. Néanmoins, tout dépend de l’univers de l’entreprise : ce modèle traditionnel est ainsi largement contesté dans le monde des startups, où le costume peut donner une impression de rigidité malvenue. Deux visions opposées, qui se rejoignent par leur caractère absurde : des vêtements ne peuvent suffire à définir la personnalité d’un individu.
Dans le même ordre d’idées, il est souvent recommandé d’arriver en avance à un entretien. Cela témoignerait du sérieux, de la ponctualité et de la motivation du candidat. À l’inverse, un retard peut s’avérer rédhibitoire : il risque de teinter négativement la première impression, même en cas de motif parfaitement recevable. Vous estimez que ces jugements a priori sont excessifs et injustes ? Vous avez raison. Mais en attendant de voir l’être humain se libérer de ses biais cognitifs, il est plutôt dans votre intérêt de vous plier à ces préjugés, afin de mettre toutes les chances de votre côté en entretien d’embauche.