Effet IKEA : l’attachement immodéré au fruit de notre travail

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Effet IKEA : l’attachement immodéré au fruit de notre travail

12 août 2022

Au travail, nos projets sont comme les meubles de notre maison : lorsque nous avons consacré du temps et de l’énergie à leur construction, ils paraissent plus importants à nos yeux. C’est ce que traduit l’effet IKEA, qui peut nuire à la prise de décision en entreprise, mais aussi faciliter la conduite du changement.

Vous connaissez certainement l’enseigne IKEA, spécialisée dans la vente de meubles et d’objets de décoration. Le succès de la marque suédoise ne tient pas tant à sa politique de prix abordables qu’à son concept de produits en kit à monter soi-même. Car nous avons tendance à accorder une valeur supérieure à nos créations : les objets donc, mais également les idées ou les projets.

Qu’est-ce que l’effet IKEA ?

Ce phénomène a fait l’objet de plusieurs études au cours du XXe siècle, mais le terme « effet IKEA » a été employé pour la première fois en 2011. Trois chercheurs américains ont alors mené une expérience invitant des participants à monter des meubles de l’entreprise suédoise. Ensuite, confrontés à leurs créations et à des articles assemblés par ailleurs, les sujets se montraient prêts à payer 63 % de plus pour les produits qu’ils avaient montés.

Les auteurs de l’étude ont donc déduit que « le simple fait de fournir un travail peut suffire à induire une plus grande appréciation du fruit de son labeur ». Autrement dit, plus nous déployons d’efforts pour construire quelque chose, plus nous nous y attachons et plus nous lui accordons de la valeur.

L’effet IKEA est généralement difficile à réfréner, car ancré dans notre cerveau. Et le phénomène n’a pas seulement été observé chez les êtres humains. En effet, dans une étude de 2010, deux chercheurs de l’université américaine Johns-Hopkins ont mené une expérience sur des souris : celles-ci avaient accès à deux saveurs, délivrées en appuyant sur des leviers différents, l’une d’elles requérant davantage d’efforts. Résultat : les rongeurs développaient une préférence pour la substance difficile à obtenir.

Pourquoi surévaluons-nous le fruit de notre labeur ?

Comment expliquer cet attachement démesuré à nos créations ? Cela viendrait premièrement du « prix » que nous accordons aux efforts fournis. Puisque ce travail nous a coûté du temps et de l’énergie, nous estimons que le produit ainsi élaboré a vu sa valeur augmenter. D’autant que le résultat paraît unique à nos yeux, surtout s’il a fait l’objet d’une personnalisation.

Par ailleurs, d’après les auteurs de l’étude sur l’effet IKEA, l’individu se sentirait également valorisé en montant un meuble lui-même. Cette participation directe à la conception lui donnerait ainsi la preuve de sa compétence dans ce domaine.

Ces mécanismes psychologiques expliquent pourquoi certains propriétaires ont tendance à surévaluer le prix de leur maison. Après l’avoir rénovée, aménagée et décorée selon leurs goûts, ils l’estiment supérieure aux autres biens du marché, quand bien même les choix effectués seraient loin d’être universels.

L’effet IKEA au travail

La sphère professionnelle n’est bien sûr pas épargnée par ce phénomène. Combien d’entreprises sont persuadées de la valeur inouïe de leur produit et désemparées par des ventes décevantes ? Combien d’entrepreneurs surestiment la valeur de leur société face à des investisseurs, en raison de l’énergie qu’ils y ont consacrée ? Combien de dirigeants s’obstinent à déployer une stratégie infructueuse, après avoir passé des jours à l’élaborer ? L’effet IKEA peut ainsi s’avérer dangereux, dans la mesure où le manque de recul sur nos réalisations risque d’obscurcir notre capacité à prendre des décisions. Il est pourtant parfois crucial de remettre en question la pertinence de nos idées, sous peine de persister dans une voie sans issue.

Il est néanmoins possible de tourner l’effet IKEA à son avantage en entreprise. Pourquoi ne pas se servir du fait que l’être humain s’attache à ce qu’il a totalement ou partiellement créé ? Par exemple, dans le cadre d’un projet de transformation interne, il est souvent préférable d’associer les équipes à la démarche dès le début. Une telle approche de co-construction leur permet en effet de s’impliquer émotionnellement et d’accepter plus volontiers le changement. Une bonne façon de contourner le biais de statu quo.