En marketing responsable, la segmentation perdrait en efficacité

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En marketing responsable, la segmentation perdrait en efficacité

8 juillet 2023

Nos dirigeants sont satisfaits "c'est la reprise du meilleur des mondes". Oui, nous observons que les consommateurs se laissent aller après ces épisodes de confinement. Car les solutions écologiques n’offrent pas un discours réjouissant. Les ONG et les écologistes prônent la décroissance, ce qui ne rassure personne en matière d’emplois. Parler du monde demain qu'il faudra réparer, est anxiogène et propose un monde de contraintes.

"Pour être économe en énergie, il faut que j’échange une chaudière contre une pompe à chaleur, que je vende ma voiture en diesel pour en louer une électrique, que je cuisine plutôt que d’acheter des plats préparés, etc".  Une charge mentale forte qui bloque l’action.

L’évolution du marketing pourrait se résumer en quelques grandes dates :

•          1935 : Marketing de masse est né

•          1985 : Marketing de la demande crée des techniques de vente

•          2000 : Le Marketing de la Conversation : oui le client s’exprime. L’appel à l’écologie n’est pas audible car l’internet et la transformation prend toute la place et cela va durer jusqu’en 2020.

•          2004 : La relation client est le nouveau crédo

•          2010 : L’Expérience client et l’explosion du tout digital, se confronte aux scandales verts

•          2020 : L’Intelligence artificielle dépasse l’humain, mais Greta et la Covid19 rappellent le vivant

Nous les marketeurs avons été incapables de montrer aux citoyens que fondamentalement ce monde durable créerait un monde d'opportunités : où l’on va vivre mieux, dans une économie plus simple, plus locale, moins ultra-mobile.

De manière universelle, les gens ne veulent pas renverser le capitalisme ou un régime politique donné, mais juste avoir une vision d’un développement économique respectueux de la planète, du vivant et des gens.

Et si le marketing inventait de nouveaux récits ?

Cela s’est imposé à la nouvelle génération et avec les rappels successifs en 2019 et 2020 : des incendies géants, des canicules à répétitions, Greta, Metoo, la loi PACTE, la Covid19, le Giec. Une génération qui grandit avec ou sans nous et qui a déjà adopté une nouvelle vision d'une économie plus solidaire et décarbonée qu’on pourrait nommer « capitalisme naturel ». Nous allons continuer à faire des profits, mais on va juste les faire différemment. Il nous faudra l'expliquer et faire rêver plus de gens à cette nouvelle vie, en rendant visibles tous les bénéfices associés : vie plus saine, moins stressante, plus locale, vivable et respectueuse de notre santé et de celle de la biodiversité et voire comment réadapter les moyens de mobilité.

Le Marketing est-il capable de créer une écologie désirable ? Est-ce qu’on peut construire une écologie du désir ? Parce que la seule manière de faire adhérer, c’est de donner du plaisir, de la joie, de l’espoir et des exemples qui ne soient pas extrêmes mais applicables à tous. Et cela donne une magnifique occasion au marketing de se questionner comme le font les associations qui passent par le jeu et l’intelligence collective pour faire passer des messages importants.

Ne doit-on pas inventer une société durablement meilleure ? La Cop26 ne doit pas continuer à faire l’annonce de belles décisions non suivies des faits. Au contraire il est temps d'embarquer les gens dans l’action collective, imaginative. La mission du marketing c'est de faire arriver, ce futur par le rêve qui engage l’action, et de formaliser concrètement cette projection positive dans le futur.

Droit à l’erreur, droit de réserve et droit de retrait

Dans le cinéma, les films de science-fiction projettent des univers technologiques angoissants où l’homme est remplacé par les machines. Trouver de nouveaux récits s’impose à tous pour avancer. Et c'est une des missions les plus nobles du marketing. Mais attention, ce n’est pas une mission facile, parce qu’avoir des exigences, c’est inventer quelque chose de nouveau. C’est aussi revendiquer le droit à l’erreur, le droit de réserve, et le droit de retrait pour cause de tentative.

C’est pourquoi, il nous faut des marketeurs suffisamment courageux pour refuser de faire le marketing de produits de services ou de solutions sans bénéfice pour la planète. Il va y avoir du monde au chômage ? Pas du tout, car la loi PACTE intègre la RSE au code civil, la COP26 va appuyer sur le champignon d’une manière ou d’une autre et le combat climatique est engagé. Les marketeurs seront appelés à la rescousse pour accélérer les changements d’offres et de modèles économiques.

Et si le marketing abandonnait la segmentation ?

La segmentation a permis de gagner en précision pour mieux comprendre - non pas les attentes de tous - mais les attentes particulières de chacun. De plus, avec les nouveaux outils du numérique, on va jusqu’au profilage et l’on comprend comment le consommateur fonctionne dans les moindres détails.

Cependant l’hyper-segmentation, fait rentrer dans une catégorisation, une hiérarchie. Et quand on raisonne de manière en binaire (en opposant les riches - les pauvres, les jeunes - les vieux etc.) on peut aller jusqu’à l'extrême, voire au racisme.

Pour rendre le marketing plus humain pourquoi exclure un type de population selon des critères arbitraires ? Il faut réfléchir à la validation des algorithmes. Exemple : à 55/60 ans on reçoit des emails sur la vieillesse alors qu’on se sent en grande forme, on rentre dans la stéréotypie. C’est alors que le marketing devient « dur » avec ses cibles sans le vouloir. Mieux choisir son vocabulaire et adopter un langage nuancé devient la clé. Le rôle de l'équipe marketing est « d’élever le débat » et vérifier ce que signifie « inclure la pensée complexe des individus ». Par exemple : tout le monde peut manger bio, un maçon, un cadre, un père de famille, une infirmière et pas seulement les bourgeois-bohème de type urbains. Heureusement c’est ce qu’il se passe.

De ce fait, uniformiser, de manière à encapsuler dans des tas de petites boites chaque persona, via la segmentation sonne faux. D’ailleurs la différenciation et la singularisation des individus sont naturelles, nous ne sommes pas des clones. Si l’individu s'approprie les critères d’un autre segment, pourquoi pas ? Tant qu’on a des offres qui permettent de se sentir en phase avec cela, c’est une belle option. Ainsi l’individus pourrait naviguer de cadre en cadre, de segment en segment.

L’inclusion, une occasion d’intégrer l’économie circulaire dans l’offre

L’inclusion.  Un sujet absolument clé, pourtant ancien mais à revisiter. En effet, la consommation a été dans les années 70 un formidable vecteur d'inclusion. Or aujourd’hui en France 8 à 14% de la population vit sous le seuil de pauvreté (soit près de 900€ mensuels), 30 à 35% de cette population est considérée comme modeste. L'inclusion pose une question philosophique : quelle expression concrète donner à la « responsabilité sociale et environnementale » du point de vue du marketing.

La demande sociale s’exprime extrêmement fortement en France, notamment via les classes moyennes et populaires. L'inclusion pourrait enrichir l'idée d’une segmentation à la carte. Donc la consommation change de ton, de forme, de modèle. Viser les CSP+ serait-il moins tentant ? S’ils ne sont plus la panacée alors on change l’offre. On vend 1 fois 1 produit aux riches, puis on le récupère et on le revend à moitié prix en seconde, on récupère puis une 3ème fois en low cost, et on le récupère pour le revendre une 4ème aux experts du recyclage car la matière manque déjà ?  Bref, le faire adopter en entreprise, sans remplacer la direction RSE mais en travaillant au contraire avec elle et avec l’ensemble des départements car l’économie circulaire change le modèle de fond en comble. Une idée qui fait son chemin à l’ADETEM comme ailleurs, la réflexion est en marche, car il nous faudra aussi l’enseigner.