Charles Montorio : Responsable recrutement et mobilité Groupe EDF

Interview

Charles Montorio : Responsable recrutement et mobilité Groupe EDF

22 septembre 2022

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Le Groupe EDF développe, partout dans le monde, des solutions innovantes qui permettent de produire une énergie propre et de garantir l'accès à l'électricité à tous.  Entreprise citoyenne au cœur de l’actualité, elle va devoir relever d’immenses défis industriels et financiers autour de la transformation énergétique ces prochaines années. Charles Montorio, responsable recrutement et mobilité pour le Groupe, nous fait part des enjeux de recrutement dont la voilure a augmenté significativement. L’objectif : répondre à l’ambitieux programme de relance nucléaire dans l’enjeu de lutte contre les effets de serre. Ainsi le Groupe s’est-il fortement adapté pour répondre avec agilité à l’évolution des attentes des collaborateurs.

Quel est le contexte actuel en termes d’emplois au sein du Groupe EDF ?

Avec pas moins de 130 000 salariés en France et 160 000 à l’international, le Groupe EDF organise ses activités en plusieurs pôles par le biais d’une quarantaine de filiales.

Depuis que le parc nucléaire EDF SA existe, soit plus d’une quarantaine d’années, nos besoins de recrutement ont toujours été importants. Ils le sont d’autant plus aujourd’hui en tant qu’industriel énergéticien incontournable dans la lutte contre le réchauffement climatique. Notre enjeu et notre ambition sont de taille, renforcés par l’engouement actuel autour du nucléaire, capable de lutter contre les effets de serre.

Tous les ans, nous devons recruter et renouveler les compétences dans les industries, majoritairement dans les domaines industriel, technique (entre 70 et 80%), numérique et commercial (notamment des chargés de clientèle).

La volonté de reconstruction des nouvelles centrales annoncée par le Président fin 2021 nous a incités à doubler notre voilure de recrutement par rapport aux années précédentes. Au sein d’une quarantaine d’entités, 15 500 postes sont à pourvoir cette année. Ainsi, la trajectoire de recrutement 2022/23 vise 8 000 nouveaux collaborateurs (dont 7000 CDI, 1000 CDD), 4000 alternants et 3500 stagiaires. L’année prochaine promet le même objectif voire supérieur à celui de cette année.

Quels sont les profils recherchés ?

Nous sommes majoritairement en quête de profils d’ingénieurs et de techniciens, du bac pro au bac +5, diplôme universitaire ou diplôme d'ingénieur.  Ce besoin se fait croissant dans tout le Groupe, au sein de nos diverses filiales. Or, nous sommes dans un contexte de marché saturé sur lequel se sourcent de multiples  industriels.

Nous devons donc faire preuve de créativité et d’imagination pour qu’EDF soit choisie par nos candidats. Ainsi, la marque employeur mène un travail considérable pour toucher nos cibles, notamment sur les réseaux sociaux. Notre action de sensibilisation, historique, se renforce aujourd'hui dans la mesure où nos besoins de profils se manifestent à tous les niveaux. Nous sommes ainsi engagés auprès d’associations pour sensibiliser les plus jeunes (dans les collèges, lycées techniques, universités et écoles d’ingénieurs) aux métiers et enjeux du groupe. Cela dit, les recrutements se font sur toutes catégories d’âge, autant sur des profils juniors que des seniors expérimentés, en fonction des qualifications requises.

Enfin, notre ambition de féminisation des profils s’accroît ; aujourd’hui, 28% des salariés sont des femmes, soit la même proportion de profils féminins constatés au niveau des écoles où nous recrutons. Nous avons l’ambition de passer à 36% dans les années à venir.

Cela nous amène à un travail de pédagogie afin de lever les perceptions anxiogènes autour des métiers techniques.

Y a t-il des façons d’innover dans le recrutement ? Certains critères vous distinguent-ils ?

Avec nos outils, d’une part, nous rendons visibles nos postes en interne afin de sensibiliser les salariés du Groupe enclins à des parcours de carrière. En parallèle, nous révisons perpétuellement nos processus de recrutement pour les rendre les plus agiles possibles. D’autre part, nous communiquons sur les évaluations particulièrement favorables d’EDF : nous faisons partie des entreprises préférées des français, nous sommes l’employeur le plus attractif pour les bac+2 et bac+3 selon le réseau Universum. A travers l’agence Epoka, nous sommes également le 4e employeur le plus attractif auprès des écoles d’ingénieurs et enfin l’entreprise préférée des étudiants et jeunes diplômés dans le secteur de l’énergie.

La réalité historique s’amplifie : EDF Groupe, entreprise citoyenne, représente une forme de sécurité de l’emploi, où les gens ont envie de travailler, où il fait bon travailler et dans laquelle des parcours de carrière sont possibles.

EDF fait partie de ces entreprises dont la raison d’être - à savoir la lutte contre le réchauffement climatique - apporte beaucoup de sens à ceux qui nous rejoignent. A titre d’exemple, chez EDF Renouvelable dédié au développement de l’énergie solaire et photovoltaïque, les salariés sont particulièrement sensibles aux questions écologiques.

Quelles sont les autres actions pour faire valoir la mission du Groupe ?

Notre notoriété s’entretient également par l’ouverture permanente de nos sites de production au grand public (sites hydrauliques, centrales nucléaires) ; par l’engagement de nos équipes territoriales, nous accueillons énormément de visiteurs dans nos installations tout au long de l’année (185 000 visiteurs en 2021, dont 36 000 élèves, avec plus de 1500 ateliers réalisés sur le fonctionnement de nos sites de production,  nos métiers, la pédagogie autour du mix énergétique, etc).

Que dire de l’enjeu de la transmission et du renouvellement des compétences au sein d’un si grand groupe ?

La culture de l’agilité encouragée par les nouvelles générations favorise le renouvellement des compétences. La pyramide des âges des salariés est très équilibrée, la moyenne d’âge au sein du groupe tend à rajeunir depuis quelques années, actuellement elle s’établit à 40 ans.

Les 5500 tuteurs, acteurs de l’ombre, jouent un rôle essentiel pour accompagner le  développement des jeunes alternants tout au long de leur cursus. Nous avons un contrat avec l’Etat  important ; l’apprentissage représente 6% des emplois chez EDF, soit 6 500 alternants dans le Groupe, avec un enjeu de transformation de ces postes en CDI.

Par ailleurs, des actions dites de “knowledge management” - à savoir des transferts de savoir et de compétences - irriguent nos structures, des filiales à la maison mère.

L’ambition est d’ancrer et d’industrialiser les bonnes pratiques pour assurer la continuité des métiers compte tenu des départs à la retraite, avec des apprentissages continus de métier à métier, via des ateliers et/ ou cursus de formation.

Par ailleurs, le mécénat de compétences permet à environ 200 salariés volontaires d'œuvrer en faveur d’associations - tout en restant rémunérés. A titre d’exemple certains agissent au profit de la “Cravate solidaire” pour aider les jeunes issus de milieu défavorisé à travailler leur CV, trouver une formation ou un métier.

Alors que la taille du Groupe est colossale, comment EDF a-t il pu s’adapter aux nouvelles attentes en matière d’organisation du travail ?

L’agilité est devenue essentielle. Avant la crise sanitaire, les attentes des candidats à l’embauche étaient principalement liées au salaire, à la sécurité de l’emploi et à l’attractivité des métiers ; aujourd’hui le critère de l’organisation du travail rentre en ligne de compte. Depuis la crise sanitaire, comme la majorité des entreprises, nous avons été obligés de revoir l’organisation du travail et innover pour attirer des candidats pour lesquels - ⅔ d’entre eux - la flexibilité est un critère clé de motivation. La possibilité de travailler à distance dans une logique de projet d’équipe s’est ainsi déployée cette année. L’agilité et la souplesse que nous offrons à ce niveau est un réel atout de recrutement. Bien entendu, pour certains métiers techniques, le télétravail n’est pas toujours envisageable (ie la conduite d’une centrale nucléaire) mais dès que possible, nous adaptons les métiers à cette quête de souplesse.

Ainsi des programmes dédiés à la mise en œuvre de nouvelles modalités de travail et de management ont vu le jour depuis janvier 2022. Chaque filiale, souveraine dans son organisation sous l’impulsion de sa propre DRH, adapte et décline son programme tout en répondant à la même logique définie par des accords de groupe spécifiques.

Aussi, en plus du travail en distanciel, certains métiers peuvent être délocalisés : d’une part le salarié se voit donner l’accès à un site proche de son domicile, d’autre part, il lui est donné la possibilité de télétravailler majoritairement et se rendre sur son lieu de travail une ou deux fois par semaine pour rencontrer son collectif.

Ce schéma, à l’inverse de ce qui se faisait précédemment, génère une véritable évolution culturelle en termes de mobilité dans le Groupe. Cela contribue à revoir nos préceptes, à ouvrir les possibilités en dépassant les critères géographiques. En effet, autrefois, pendant longtemps, la mobilité professionnelle impliquait un changement d’habitation du salarié voire de sa famille. Désormais, la possibilité de travailler à distance, mentionnée à l’ouverture des postes, élargit le nombre de candidats aptes à postuler. Rester domicilié dans une région tout en évoluant au niveau professionnel est désormais possible : il sera intéressant d’observer ce que cela engendre à terme, sur plusieurs années d’exercices, et voir si cela libère les envies.

Comment EDF s’adapte aux nouvelles attentes de responsabilité et d’autonomie dans le travail ?

La culture de l’innovation a toujours existé au sein du Groupe. EDF, en tant qu’entreprise intégrée s’est développée progressivement avec l’émergence de filiales souveraines, chacune avec sa propre convention collective. Cela laisse la place aux initiatives, à  l’autonomie au sein de chaque structure. Pour preuve, un socioscope, “My EDF Group”, réalisé chaque année, invite les 160 000 salariés à exprimer leurs besoins sur tous types de thématiques (managériale, salariale, d’innovation, etc) : la participation très élevée donne lieu à des plans d’actions spécifiques. Chacun peut donc prendre part à la conduite de changement et être moteur pour sa carrière.

Chaque année, différents challenges d’innovation sont organisés par expertise, comme celui de la filière RH qui permet de porter un projet pionnier devant toute la filière du métier. Le challenge “Pulse” est un autre exemple ; il récompense celles et ceux qui inventent le monde de demain en proposant des solutions innovantes pour avancer vers la neutralité carbone.

Comment fidélisez-vous les talents ?

Les candidats dans certains domaines, comme en ingénierie informatique, sont devenus relativement “volatiles” car très courtisés par les entreprises :  ils postulent sur un poste puis se remettent sur le marché du travail au bout d’un an en moyenne. Cela nous incite à écouter de manière sensible ces profils, et à anticiper un projet de parcours ou des missions variées au sein d’EDF, pour les fidéliser.

Ces profils diplômés de deux ans post bac développent des compétences au fil de leur expérience, entre 5 et 10 ans, comme par exemple en cybersécurité. Dans ces métiers relativement récents, les profils sont rares et, de fait, sont très recherchés. De ce fait, nous impliquons ces profils pour optimiser l’organisation du travail et les accompagnons à se projeter professionnellement à court ou moyen terme pour les fidéliser sur 2 ou 3 missions/postes.

Peut-on évoluer au sein même d’EDF en changeant de métier et comment cette évolution est- elle pilotée ?

Tout à fait, il est possible de faire des mutations fonctionnelles ou géographiques dans l’entreprise. Cela requiert de la professionnalisation, de la reconversion via des formations au long court, pour passer d’un statut ou métier à un autre.

Nous gérons les mobilités dans le groupe et au sein des filiales, ainsi que les redéploiements ou reconversions. Le GPEC -gestion prévisionnelle des emplois et des compétences- nous aide à piloter l’ensemble des évolutions au sein du Groupe, notamment dans les domaines techniques. Des plans à 3 ans sont établis pour anticiper les départs et les arrivées, de manière quantitative et qualitative via le développement des compétences. Dans les domaines techniques, comme le nucléaire, la gestion des compétences est finement préparée afin de gérer les remplacements selon le niveau d’exigence requis. Plus le métier est pointu, plus la gestion des compétences doit être anticipée, accompagnée. A noter, ce pilotage est toujours perfectible, nous la questionnons constamment dans un souci d’amélioration continue.