Faut-il passer au slow management ?

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Faut-il passer au slow management ?

20 septembre 2022

Pour contrer la vélocité du monde des affaires, le slow management semble trouver preneur dans les entreprises. Quels en sont les principes ? Quels intérêts ? Quelles limites ? Avis d'expert et témoignages de slow managers. 

Slow management ! Vous aurez beau chercher, vous ne trouverez pas de définition officielle du slow management. En fait, il y a autant de définitions que de slow managers. Mais toute ont quand même un point commun ? Le temps. Ralentir, prendre le temps de faire les choses. A ne pas confondre avec se la couler douce. Pour Charles-Henri Colonna, directeur associé chez Albus Conseil, « le slow management est une sorte de remède au rythme des entreprises qui incitent à aller toujours plus vite dans les projets, dans l’atteinte d’objectif, etc. C’est un management transgressif à contre-courant du système ». Loick Roche, directeur général de Grenoble Ecole de Management et co-auteur de « Le slow management : éloge du bien-être au travail », estime que « c’est une compréhension par les managers et dirigeants qu’ils doivent donner du temps à leur équipe ». Et que ce temps de rencontres informelles, d’échanges entre deux portes, n’est pas du temps perdu. Au contraire. « C’est lors de ces temps d’échange que l’on va entendre les arguments et contre arguments des uns et des autres. Que l’on va pouvoir tester les siens. Ce temps passé à faire des pas de côté permettra ensuite aux managers et aux dirigeants de mieux décider et sans doute plus rapidement », explique-t-il. Voilà pour la théorie, mais en pratique, comment mettre en place ce slow management ?

Chez Albus Conseil, les dirigeants ont décidé sciemment de ralentir leur croissance. « On pourrait faire +50% par an mais 10 à 20% suffisent car on a décidé de faire les choses bien. Ainsi, nos consultants ne sont pas bookés 18 à 22 jours par mois comme ailleurs. Mais 12 à 13 jours. Le reste du temps, ils sont en formation ou en co-développement », illustre Charles-Henri Colonna. L’objectif est de mettre les consultants en position de « temps faibles ». « De temps pour réfléchir à comment faire mieux. De se souvenir de ce que l’on vient de faire. Sur un projet de 12 mois, on prévoit toujours deux périodes de 2 semaines sans dead line. L’idée étant de revoir ce que l’on vient de faire, ce que l’on pourrait améliorer et de préparer la suite. Au sortir de ces deux semaines plus calmes, les équipes sont de fait plus « fraiches », ajoute-t-il. Chez Albus Conseil, on veille également aux temps faibles au niveau individuel. Si un consultant est perdu, on l’autorise à se déstaffer. Une collaboratrice vient par exemple de poser 4 mois de congé sans solde pour partir marcher en Lozère. « Le slow management est parfois inconfortable mais plus satisfaisant car cela revient à faire des choses intelligentes. Comme dans une partie lente d’échec, on réfléchit davantage, on utilise son cerveau et ç’est ça la base de l’innovation. A contrario, dans une partie d’échec express, on convoque ses réflexes et on reproduit des automatismes », soutient-il.

Une des entreprises accompagnées par Charles-Henri Colonna va encore plus loin dans le slow management en sanctionnant les salariés qui vont trop vite sur des projets. « Ils sont recadrés au prétexte qu’il ne s’agit pas de faire en 3 mois un projet de 9 mois. Leur job n’est pas de « faire le plus vite possible » mais « le mieux possible » pour tout le monde », raconte-t-il. Les membres de ce comité de direction, un temps adeptes du Fast & Furious dans leur prise de décision, viennent d’ailleurs de faire machine arrière en lançant des anti Fast & Furious. Autrement dit des points d’étape au cours desquels ils passent en revue tous les projets qui peuvent être décaler ou arrêter.


Dans le groupe DAO (bureau d’études), le slow management, porté par son dirigeant Éric Jemin, revient « à adapter le projet de développement de l’entreprise au projet de vie des collaborateurs et pas l’inverse ». Pour permettre à l’un de ses collaborateurs de suivre sa femme expatriée aux États-Unis, ce dirigeant a décidé de créer une entreprise ad hoc sur place. « Notre salarié est d’abord parti six mois là-bas avec un ordinateur et 40 heures de boulot par mois. Le couple a pris la décision de rester sur place, j’ai donc créé une structure sur place pour lui », illustre-t-il. Ce dirigeant part du principe qu’une course effrénée quotidienne est au final contre-productive pour ses employés et donc son entreprise. Les commerciaux du groupe DAO n’ont ainsi pas d’objectifs. « Le seul objectif est de faire en sorte que l’ensemble des 95 salariés se sentent bien. Certes, il y a un suivi mais pas d’objectifs chiffrés qui tendraient vers davantage de profit à tout prix », insiste-t-il. Easy le slow management comme le laissent à penser ces exemples ? Évidemment, les choses ne sont pas aussi simples. Charles-Henri Colonna est bien conscient que le slow management n’est pas envisageable dans les entreprises soumises au marché. Ou alors dans de très petites structures. Pour Eric-Jean Garcia, professeur associé à Sciences Po Executive Education, « le slow management est surtout une réponse opportuniste au fast management. Son but est de conjurer l'accélération généralisée du monde à partir d'un assemblage de principes et de solutions destinées à stabiliser la vie sociale en décorrélant le rythme des hommes et des femmes au travail de celui des machines et des marchés. Il est vrai que lorsque tout semble aller de plus en plus vite, la simple idée de ralentir apparait tout de suite révolutionnaire. Mais comme souvent en management, les révolutions ressemblent à des modes qui se réinventent à la marge à la grande satisfaction de leurs promoteurs ». Alors entre slow et fast management, ne serait-il pas possible de trouver un équilibre vertueux ? Et si on revenait tout simplement aux fondamentaux du management ?