Gaspillage en entreprise

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Gaspillage en entreprise

17 décembre 2019

En matière de tri sélectif et de lutte contre le gaspillage, les mentalités évoluent. Les comportements aussi, mais plus lentement, surtout en entreprise où, dans ce domaine, l’impulsion au plus haut niveau n’est pas toujours au rendez-vous. Pour des raisons de coûts, mais pas seulement.

Le 25 septembre, le Sénat a voté en faveur du projet de loi "Lutte contre le gaspillage et économie circulaire "interdisant l'élimination des invendus non-alimentaires (produits d'hygiène ou de beauté, textiles et chaussures, produits électroménagers...). Un texte qui devrait être entériné en seconde lecture à l’Assemblée Nationale d’ici la fin de l’année et qui complète les précédentes lois Garot de 2016 et Egalim de 2018 qui encadrent déjà les invendus alimentaires.

Clairement, les intentions sont là. Mais la réalité des chiffres, elle, témoigne du long chemin qui reste à parcourir : selon l'organisme de statistiques européen Eurostat, la France ne recycle en effet que 39 % de ses déchets ménagers contre 45 % en moyenne dans l'Union européenne et 66% en Allemagne. D’après une enquête publiée en 2018 par le magazine 60 millions de consommateurs, seuls 26 % des emballages et des objets en plastique sont recyclés en France. 

La législation rattrape les entreprises

Si les Français ne sont pas les meilleurs élèves en termes de recyclage dans leur vie quotidienne à la maison, les entreprises de l’Hexagone ne brillent pas non plus par leur zèle en la matière. Mais, la législation les rappelle de plus en plus à l’ordre. La loi Grenelle 2 adopté en 2010 et la loi de Transition énergétique pour une croissance verte d’août 2019 incitent sérieusement les entreprises à agir. 

"La prise de conscience collective concernant la protection de l’environnement fait que les salariés mais aussi les dirigeants sont favorables à des actions concrètes au sein même de l’entreprise", concède Gilles Rouverand, co-fondateur des Joyeux Recycleurs, entreprise de collecte et de recyclage (papiers, bouteilles et gobelets en plastique ou carton, capsules…) pour les sociétés. "Mais le coût d’une telle démarche fait que seules les entreprises en bonne santé financière prennent ce type d’initiative", ajoute-t-il. 

"La fiscalité n’est pas suffisamment incitative", confirme Stephan Martinez, président de Moulinot Compost & Biogaz qui valorise les déchets alimentaires des acteurs de la restauration. "Espérons que les discussions en cours sur la Loi de Finances 2020 fasse évoluer les choses…". Engagé depuis six ans dans une démarche "bio-déchets", son client Pascal Mousset, à la tête de six restaurants parisiens dont Chez Françoise aux Invalides, estime que cette initiative lui coûte "800 à 900 euros par mois et par établissement. Pour des raisons financières, j’ai dû arrêter l’expérience sur mon restaurant La Marée". 

Résistances et vieux réflexes

Toutefois, la contrainte financière n’est pas le seul obstacle à la mise en place d’une politique anti-gaspillage et de tri dans l’entreprise. Souhaitant installer un plan de tri sélectif au sein de son entreprise, Thomas Scipion, assistant services généraux au siège d’Habitat France, a dû faire face aux réticences de sa précédente direction générale. "Mais l’arrivée l’an dernier du nouveau directeur général, un ancien des groupes Kering et LVMH, plus sensible à ces questions, a permis de débloquer la situation", explique-t-il aujourd’hui. 

Depuis le mois de septembre, les quelque cent employés d’Habitat France participent ainsi quotidiennement au tri sélectif des capsules de café, du papier et des piles avec le concours des Joyeux Recycleurs. "Nous avons également mis en place une fontaine à eau sans bonbonne, directement branché sur l’eau de ville, avec des verres et des carafes Habitat pour éviter d’utiliser des récipients en plastique", précise Thomas Scipion.

Reste à mobiliser les salariés dans les entreprises. Sur le principe, une immense majorité d’entre eux adhèrent à la démarche. Mais dans la pratique, c’est parfois un peu plus compliqué. "En groupe, on redevient de grands enfants", lâche Thomas Scipion, "dans l’entreprise, les gens ne se sentent pas aussi responsables que chez eux. Un accompagnement et quelques piqûres de rappel sont indispensables". 

Les vertus de la pédagogie

Gilles Rouverand des Joyeux Recycleurs comme Stephan Martinez de Moulinot mettent ainsi l’accent sur la formation des équipes de leurs clients. Kit de communication, documents de lancement, réunions de présentation, certificat de recyclage, tous les moyens sont mis en place pour mobiliser les salariés. "Avec le discours sur le changement climatique et le développement des réglementations, les mentalités évoluent. Le besoin d’agir concrètement au quotidien prend de l’ampleur", constate Gilles Rouverand. "Avec de la pédagogie, ça se passe très bien",reconnaît Pascal Mousset qui apprécie la méthode de Moulinot avec ses sacs transparents en cuisine qui permettent de vérifier de visu le bon tri des bio-déchets et l’utilisation de détecteurs infrarouge pour repérer verres et métaux. Mais la route est encore longue : "aujourd’hui, seul 3% des bio-déchets sont traités", rappelle Stephan Martinez qui depuis 2015 à toute même valorisé plus de 25 000 tonnes de matières via le compost ou la méthanisation.