La flexisécurité, concept né de la fusion entre flexibilité et sécurité, représente une approche novatrice de la gestion du marché du travail. Ce système vise à concilier les besoins de flexibilité des entreprises avec la sécurité de l’emploi pour les salariés.
Origines et principes
Apparu aux Pays-Bas dans les années 1990, ce concept a trouvé son expression la plus aboutie au Danemark. Le modèle danois repose sur trois piliers fondamentaux : une grande flexibilité du marché du travail, un système généreux d’indemnisation du chômage, et une politique active de l’emploi.
Le succès danois
Le Danemark a connu une transformation remarquable de son marché du travail grâce à la flexisécurité. En l’espace de 25 ans, le pays a vu son taux de chômage chuter de manière spectaculaire, passant de 12,5% à moins de 5%. Ce succès s’explique par plusieurs facteurs clés :
- Une centralisation des organismes de l’emploi
- Un Code du travail simplifié
- Des procédures de licenciement facilitées
- Un dialogue social fort
- Une prise en charge étatique généreuse des chômeurs
- Des incitations puissantes à la reprise d’emploi
Avantages et défis
La flexisécurité présente des avantages indéniables, tels qu’une meilleure adaptabilité du marché du travail et une circulation accrue des travailleurs entre les secteurs. Cependant, elle soulève également des questions sur la précarisation de l’emploi et la perte potentielle de compétences spécifiques.
Productivité et adaptabilité : Les partisans du modèle soulignent que la flexibilité agit comme un levier de productivité du travail. Elle permet d’éviter le sous-emploi et favorise une meilleure adaptation de la main-d’œuvre aux besoins de production
Circulation des travailleurs : La flexibilité facilite le mouvement des travailleurs entre différents secteurs, ce qui peut stimuler l’innovation (théorie du déversement). Cependant, cette mobilité peut aussi entraîner une perte de compétences spécifiques
Création d’emplois vs précarité : Bien que la flexibilité puisse inciter les entreprises à créer des emplois, ces derniers tendent à être précaires et s’inscrivent dans une vision à court terme
Impact sur la consommation : En théorie, la flexibilité devrait augmenter la confiance des salariés et stimuler la consommation. Néanmoins, la précarisation peut avoir l’effet inverse, incitant les individus à épargner par précaution plutôt qu’à consommer et investir
Adoption internationale
Ce modèle a suscité l’intérêt de nombreux pays européens, qui l’ont adapté à des degrés divers. L’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni et la Suède ont tous intégré certains aspects de la flexisécurité dans leurs politiques de l’emploi. Dans la plupart de ces pays, on observe une baisse notable du chômage, mais aussi une précarisation de l’emploi
Perfectionnement du modèle : Certains pays, notamment les pays nordiques comme le Danemark et la Suède, ont amélioré le système en renforçant l’accès à la formation professionnelle. Ils ont intégré le principe d’une “seconde chance” d’accès à la qualification, créant un véritable système d’éducation permanente ouvert aux adultes en cours de vie active
Un effet collatéral bénéfique a été observé : les entreprises sont incitées à offrir de meilleures conditions de travail et des opportunités de développement professionnel pour retenir les talents, car les salariés ont plus de facilité à changer d’emploi
L’adoption de ce système nécessite une adaptation culturelle et sociétale importante, ce qui peut expliquer les différences dans son application et son succès selon les pays
Perspectives pour la France
L’adoption de la flexisécurité en France représente un défi majeur. Elle nécessiterait une refonte profonde du système actuel, incluant :
- Une réforme des finances publiques pour soutenir un système d’indemnisation généreux
- Une transformation de la formation professionnelle
- Un engagement à long terme transcendant les clivages politiques
La mise en œuvre d’un tel système en France se heurte à des obstacles culturels et sociétaux importants, nécessitant un changement de mentalité tant au niveau politique que social.
En conclusion, la flexisécurité offre un modèle intéressant pour repenser les relations de travail et la sécurité de l’emploi. Son succès dans certains pays européens montre son potentiel, mais son application doit être soigneusement adaptée aux contextes nationaux spécifiques.