Entreprise et postes de managers, l’heure de la revanche pour les profils atypiques ?

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Entreprise et postes de managers, l’heure de la revanche pour les profils atypiques ?

11 septembre 2023

Depuis plusieurs années, le monde de l’entreprise valorise pour ses postes à responsabilités les personnalités volubiles, à l’aise pour s’exprimer et capables de mettre en avant leur avis et leur opinion de manière communicative, interactive, spontanée et fréquente. L’avènement des réseaux sociaux en ligne n’a fait qu’accentuer cette tendance. Si les « posts » écrits permettent aux plus timides de communiquer sans se montrer, les vidéos restent l’outil le plus efficace pour mettre en avant son entreprise, travailler sa marque personnelle (le fameux « personal branding ») et accéder ainsi aux postes de manager. Pour beaucoup d’employeurs, ces qualités et cette mise en avant permettent de distinguer les leaders des personnes qui devront obéir à leurs injonctions et suivre leurs consignes.

Pourtant, il est aujourd’hui légitime de se demander si les choses ne sont pas en train d’évoluer et si le diktat du manager ouvert et beau parleur n’est pas en train d’être petit à petit remis en cause. Le monde des entreprises et du travail connait en effet de profonds bouleversements. La crise du COVID-19 et les confinements qu’elle a provoqués ont bien entendu considérablement changé la donne. Au-delà des secteurs qui pâtissent désormais d’un manque de main d’œuvre lié à des conditions de travail difficiles et que certains ne sont plus prêts à accepter, comme la restauration ou les métiers du bâtiment, c’est le poste de manager dans son ensemble qui semble avoir perdu de son pouvoir d’attraction. La période du confinement a poussé beaucoup d’entre eux à s’interroger sur leurs priorités, sur le sens de leur travail et sur le rapport coût-bénéfice de leur poste de « chef ». Et beaucoup semblent désormais penser que les obligations et contraintes de leur position sont trop lourdes à porter au regard des enjeux liés à leur épanouissement et à leur équilibre personnel.

Mais si le COVID-19 a clairement été un déclencheur décisif de cette prise de conscience, les raisons profondes de ce désamour sont aussi liées à d’autres causes plus organisationnelles. La multiplication sans limite des e-mails, des réunions, du reporting, des tableaux de pilotages… (qu’il est souvent nécessaire de gérer en dehors des heures normales de travail) éloignent les managers de leur cœur de métier et de la gestion humaine de leurs équipes. Les organisations sont devenues de plus en plus complexes et génèrent mécaniquement un nombre considérable de contraintes de fonctionnement qui s’ajoutent à une pression financière et économique de plus en plus forte alors que les crises se multiplient et s’entremêlent (logistique, environnementale, géopolitique…)  

Ce contexte constitue-t-il une opportunité, pour les profils atypiques, d’accéder à des postes autrefois dédiés aux profils plus en phase avec les modèles dominants ? C’est en tous cas ce que semble penser certaines personnes qui étudient ces phénomènes. Récemment, Cédric Lefebvre a par exemple mis en avant pour l’Observatoire des Compétences Métiers ce que les profils introvertis pouvaient apporter aux entreprises et aux organisations. Olivier Meier a montré, dans une vidéo pour Xerfi Canal, dans quelle mesure leurs caractéristiques personnelles et leurs qualités pouvaient correspondre aux exigences du rôle de manager et comment elles pouvaient aider les entreprises à innover et à se développer. Mais au-delà des personnalités introverties et des personnes timides, ce sont les profils atypiques au sens large qui tiennent peut-être leur « revanche » au moment d’accéder aux postes à responsabilités.   

Les difficultés actuelles de recrutement et de fidélisation des managers vont forcer les entreprises à repenser les qualités requises pour ce type de position et à revoir leurs fiches de postes. Dans ce contexte, les profils atypiques seront vraisemblablement de plus en plus sollicités. Le moment est donc sans doute venu pour les dirigeants et les cabinets de recrutement de réinventer et de revoir le modèle actuel du manager idéal. Il est vraisemblablement temps de dépasser cette tendance à rechercher les mêmes traits de caractère chez tous les candidats et à les juger incontournables. La capacité des profils atypiques à ne pas s’inscrire dans une pensée dominante, et souvent acceptée sans aucune distance critique par l’écrasante majorité, peut constituer un atout précieux pour les organisations. Il faut simplement espérer que celles-ci soient capables de faire évoluer leur culture interne et que ces profils les aident à gagner en simplicité et en fluidité, deux des conditions indispensables pour répondre à la complexité actuelle de notre système économique et aux réactions et problèmes en chaine que celle-ci engendre.