Loi de Segal : la prise de décision, montre(s) en main

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Loi de Segal : la prise de décision, montre(s) en main

15 février 2022

"Un homme avec une montre sait quelle heure il est. Un homme avec deux montres n'en est jamais sûr." Cette maxime, la loi de Segal, peut s’appliquer au monde du travail. Pour prendre une décision, est-il préférable de multiplier les sources ou d’en privilégier une seule ?

Trop d’informations peut-il tuer l’information ? C’est ce que semble indiquer, de prime abord, la loi de Segal. Mais une autre lecture peut conduire à une interprétation totalement différente. Et s’il s’agissait d’un éloge du doute ?

Qu’est-ce que la loi de Segal ?

Pour commencer, passons rapidement sur l’origine quelque peu nébuleuse du principe. La formule aurait été inventée par un journaliste du quotidien américain The San Diego Union, en 1930. Elle aurait ensuite été attribuée – par erreur – à un certain Lee Segall, propriétaire de la station de radio KIXL au début des années 1940. Mais au-delà de son caractère incomplet, cette histoire n’explique pas l’orthographe avec un seul « l »…

Intéressons-nous donc plutôt à la maxime en elle-même. La loi de Segal est généralement formulée ainsi, traduite depuis l’anglais : « Un homme avec une montre sait quelle heure il est. Un homme avec deux montres n'en est jamais sûr. » Il s’agit bien sûr d’une réflexion humoristique, mais qui possède plusieurs niveaux de lecture.

L’interprétation peut tout d’abord relever du premier degré. En ce sens, la loi de Segal affirmerait que la multiplication de sources d’information constituerait un danger, notamment en entreprise. Une telle approche risquerait en effet de générer de nombreux doutes, entravant la prise de décision. Parfois, il serait ainsi préférable d’agir, sans trop tergiverser.

Mais la maxime peut également être vue sous un angle ironique : celui qui sait l’heure qu’il est serait en réalité dans l’erreur. S’il est persuadé d’avoir raison, c’est uniquement parce qu’il n’a aucun moyen de confronter sa conviction à d’autres avis. Il risque alors de s’entêter sur un mauvais chemin, uniquement à cause d’hypothèses de départ erronées.

À la bonne heure ?

Ces interprétations sont diamétralement opposées. Alors laquelle retenir ? S’il est impossible de se montrer catégorique, on peut toutefois revenir à l’origine de la théorie : est-il préférable d’avoir une ou deux montre(s) ?

En simplifiant le problème, on peut considérer que chaque dispositif a la même probabilité p de fonctionner correctement. Et appelons P la probabilité qu’a un utilisateur possédant deux montres de véritablement connaître l’heure. En partant de ces postulats, une petite démonstration mathématique permet d’aboutir au résultat suivant : P = p. Toutes les étapes du raisonnement sont détaillées sur la page Wikipédia de la Loi de Segal (en anglais).

En d’autres termes, la probabilité d’avoir la bonne heure avec deux montres est la même qu’avec une seule. Il s’agit cependant d’une simplification, en considérant seulement un fonctionnement correct ou non et qui ne varierait pas en fonction du temps.

Quelle leçon tirer de la loi de Segal ?

Cette démonstration peut toutefois nous guider dans notre interprétation du principe. De même qu’il n’y a pas de meilleur choix entre une ou deux montre(s), il n’existe pas de solution universelle pour prendre une décision. Il faut savoir trouver la bonne quantité d’informations, ni trop, ni pas assez. Mais quelle est la juste mesure ?

En réalité, cela dépend de chaque individu : il convient d’aller plutôt à rebours de son inclination naturelle. Le perfectionniste qui estime que le diable est dans les détails doit apprendre à passer à l’action, sans se laisser paralyser par le doute. Il gagnera à réduire le temps consacré à la recherche d’informations, à se faire davantage confiance et à essayer, quitte à se tromper. Une attitude qui n’empêche pas de faire preuve de prudence, par exemple en évaluant l’impact d’une potentielle erreur. À l’inverse, celui qui a l’habitude de foncer tête baissée a plutôt intérêt à avoir deux montres. Pour lui, cela signifie prendre du recul, recouper davantage ses sources et confirmer ses intuitions par des faits. Une attitude saine à l’heure de prendre une décision.